Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée
54
César.

franchir le Rhin. D’ailleurs, la cavalerie ennemie, qui, comme on l’a vu, ne s’était point trouvée à la bataille parce qu’elle était allée chercher des vivres au-delà de la Meuse, s’était retirée, après la déroute de son parti, au-delà du Rhin, chez les peuples de la Westphalie, et s’était jointe à eux. César l’envoya réclamer, comme faisant partie de la nation qui l’avait combattu, lui et les Gaulois ; mais ils répondirent que la domination des Romains se bornait au Rhin, et que s’il ne croyait pas juste que les Allemands s’avançassent dans la Gueule malgré lui, il ne devait pas non plus prétendre à aucun pouvoir ni aucun droit sur ce qui était au-delà de ce fleuve. Ceux de Cologne, les seuls des peuples d’au-delà du Rhin qui lui eussent envoyé des députés et des otages, et qui eussent recherche son alliance, le priaient en outre avec instance de les secourir contre les Suèves, dont ils étaient fort maltraités ; ou, si les affaires ne le lui permettaient pas, de faire voir du moins son armée au-delà du Rhin ; que sa marche leur serait un secours suffisant et pour le présent et pour la suite ; parce que, depuis la défaite d’Arioviste et la dernière victoire des troupes romaines, leur nom et leur réputation faisaient tant de bruit jusqu’aux extrémités de l’Allemagne, qu’on cesserait de les tourmenter dès qu’on les saurait vraiment amis du peuple romain. En même temps ils lui offraient grand nombre de vaisseaux, pour transporter son armée au-delà du Rhin.

17. Telles étaient les raisons qui l’engavaient à le passer ; mais il ne crut pas qu’il fût sûr, ni de sa dignité, ni de celle du peuple romain, de faire ce trajet sur des bateaux : ainsi, malgré les difficultés presque insurmontables qu’il y avait à construire un pont à cause de la largeur, de la profondeur et de la rapidité du fleuve, il crut qu’il devait tenter cette entreprise, et ne point faire passer autrement son armée. Voici donc comment on s’y prit pour la construction de ce pont : on commença par joindre ensemble, à deux pieds de distance l’une de l’autre, deux poutres aiguisées par le bas, d’un pied et demi d’équarrissage, et d’une longueur proportionnée à la profondeur du fleuve ; on les descendit dans t’eau avec des machines, et on les y enfonça à coups de hie, non pas perpendiculairement, niais un peu penchées selon le cours de l’eau. Vis-à-vis, à quarante pieds de distance, on en planta deux autres préparées comme les premières, mais que l’on fit pencher contre le courant pour y résister. Sur ces quatre pieux ainsi fichés on mit une poutre de deux pieds d’équarrissage qui n’enclavait dans leur intervalle, et qui était si bien liée avec eux par les deux bouts au moyen de fortes chevilles, que la violence du courant ne pouvait servir qu’à resserrer davantage tout l’ouvrage et à le rendre plus solide. On le continua ainsi dans toute la largeur du fleuve ; ensuite on posa d’une poutre à l’autre des solives, que l’on couvrit en travers de perches et de fascines pour pouvoir y marcher. De plus on étaya le pied de ces poutres enfoncées dans l’eau et qui portait le pont, de nouveaux pieux inclinés et plantés dans le fleuve pour les soutenir, et pour leur servir d’arcs-boutans contre te courant. Enfin on prit encore la précaution de planter des pieux un peu au-dessus du pont, afin d’arrêter les arbres et les bateaux que l’ennemi tâcherait pour l’ébranler ou le rompre.

18. Tout l’ouvrage fut uni en dix jours, à compter de celui où les matériaux furent apportés au bord du