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pas devoir écouter plus long-temps les députés de ces perfides, ni accéder à aucune condition avec des hommes qui, après lui avoir demandé la paix, avaient usé de supercherie pour le surprendre ; du reste il jugea que ce serait une insigne folie d’attendre pour les attaquer que toutes leurs troupes les eussent joints, et que leur cavalerie fût de retour. D’ailleurs, la connaissance qu’il avait de la légèreté des Gaulois, et de l’impression que l’avantage que les Barbares venaient de remporter avait faite sur eux, dut l’engager à ne leur pas donner le temps de changer d’avis. Ainsi après en avoir communiqué avec ses lieutenans et son questeur, il résolut de ne pas différer un moment de les attaquer. Sur ces entrefaites, le lendemain matin arrivent fort à propos tous les chefs et les vieillards d’entre les Barbares, qui, usant des mêmes artifices et de la même dissimulation, viennent trouver César dans son camp, pour s’excuser de ce que leurs troupes avaient attaqué les Romains, après ce qui avait été convenu, et ce qu’ils avaient eux-mêmes demandé : ils cher-chèrent ensuite, avec la même adresse, à prolonger encore la trêve. César, charmé de les voir donner eux-mêmes dans le piége, n’hésita pas de les faire arrêter : ensuite il fit sortir toutes ses troupes ; et quant à sa cavalerie qu’il croyait encore effrayée de l’action du jour précédent, il la fit placer à l’arrière-garde.

14. Après avoir formé ses troupes sur trois colonnes, il fit trois lieues en toute diligence, et arriva au camp ennemi, avant que les Allemands connussent ce dont il s’agissait. Les Barbares, surpris d’une si prompte arrivée pendant l’absence de leurs chefs, et n’ayant ni le temps de délibérer, ni celui de prendre les armes, ne savaient à quel parti se fixer : s’ils devaient sortir au-devant de nous, ou défendre leur camp, ou chercher leur salut dans la fuite. Leurs cris et le désordre où ils étaient, faisant connaître leur frayeur, les nôtres, animés par leur perfidie de la veille, font irruption dans leur camp. Ceux qui eurent le temps de courir aux armes firent quelque résistance, et se défendirent entre les chariots et le bagage ; mais le reste, tant les femmes que les enfans (car ils avaient quitté leur pays et passé le Rhin avec tout ce qui leur appartenait), prit la fuite de tous côtés, et César mit sa cavalerie à leur poursuite.

15. Les combattans, entendant les cris de leurs compagnons que l’on massacrait derrière eux, jetèrent leurs armes, abandonnèrent leurs drapeaux, sortirent de leur camp ; et, arrivés au confluent de la Meuse et du Rhin, qui arrêta leur fuite, une grande partie fut écrasée les autres se jetèrent dans le fleuve où ils périrent, parce que l’effroi et la lassitude les mirent hors d’état de résister à sa rapidité. Les Romains, sortis avantageusement d’une guerre si redoutable (car on comptait quatre cent trente mille âmes parmi les Barbares), rentrèrent dans leur camp, sans aucune perte et avec fort peu de blessés. César permit à ceux qu’il avait arrêtés de se retirer ; mais, craignant les Gaulois dont ils avaient ravagé le pays, ils aimèrent mieux rester avec lui, et il y consentit.

16. Cette guerre achevée, César se détermina, pour plusieurs raisons, à traverser le Rhin. Une des principales était de contenir les Allemands et de les empêcher de faire si aisément passer des armées dans la Gaule. Il voulait leur faire craindre pour leur propre pays, en leur montrant que les Romains pouvaient et osaient également