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guerre des Gaules. — liv. iii.

et mis aux fers des députés, et d’avoir à leur égard violé le droit des gens qui est sacré et inviolable chez toutes les nations : aussi firent-ils des préparatifs proportionnés aux dangers dont ils étaient menacés, se munissant surtout de ce qui pouvait servir à équiper des vaisseaux. Leur plus grande confiance était fondée sur l’assiette de leurs places : ils savaient que les chemins par terre étaient inondés par les hautes marées, et que les Romains ne pouvaient sans péril naviguer sur une mer qu’ils ne connaissaient pas, et où il y avait peu de ports. Ils se persuadaient de plus que, faute de vivres, nous ne pourrions rester long-temps chez eux ; qu’à la dernière extrémité ils avaient une bonne ressource dans le nombre de leurs vaisseaux : que non-seulement les Romains n’en pouvaient avoir que peu ; mais encore qu’ils ne connaissaient ni les fonds ni les îles où ils auraient à faire la guerre, et qu’il y avait bien de la différence entre naviguer sur la mer Méditerranée, ou sur le vaste et profond Océan. Toutes ces réflexions faites, et leur résolution prise, ils travaillent à fortifier leurs villes, y transportent tous les biens de la campagne, assemblent le plus qu’ils peuvent de vaisseaux sur la côte de Vannes, par où ils étaient persuadés que César commencerait la guerre ; ensuite ils mettent dans leur parti les peuples de Saint-Paul de Léon, de Tréguier et de Saint-Brieu, ceux de Lisieux, de Nantes, d’Avranches, du Perche, et d’une partie du Brabant et de la Gueldre, et font venir des secours de l’Angleterre, qui est située vis-à-vis d’eux de l’autre côté de la mer.

10. Telles étaient les difficultés qu’on devait trouver à faire la guerre à ces peuples ; cependant César avait plusieurs raisons de s’y déterminer. Il voulait venger l’insulte faite aux chevaliers romains qu’ils avaient arrêtés, punir leur rébellion après s’être rendus et avoir donné des otages ; et la conjuration de tant de peuples le portait à châtier ceux-ci, pour contenir les autres dans le respect. Connaissant donc l’amour de presque tous les Gaulois pour les nouveautés, la légèreté avec laquelle ils courent aux armes, leur attachement général pour la liberté, et leur extrême aversion pour l’esclavage, avant que la conspiration augmentât, il crut devoir répandre ses forces en divers endroits.

11. D’abord il envoie T. Labiénus avec la cavalerie vers Trèves ; il se charge de tenir les Rhémois et le reste des Belges dans le devoir, et d’empêcher les Allemands, que l’on disait avoir été appelés au secours des Belges, de passer le Rhin. En même temps il ordonne à P. Crassus de passer dans la Guienne avec douze cohortes et une nombreuse cavalerie, pour s’opposer à la jonction et au-secours qu’elle voudrait donner aux Barbares. Il fait partir Q. Titurius Sabinus avec trois légions pour contenir ceux de Quimpercorentin, de Coutance et de Lisieux. Le jeune D. Brutus eut le commandement de la flotte et des vaisseaux gaulois qu’on avait fait venir de la Saintonge, du Poitou et des autres cantons qui étaient en paix avec les Romains ; et il eut ordre de s’avancer le plus promptement possible contre ceux de Vannes, que César vint attaquer en personne avec son infanterie.

12. La plupart des villes de cette côte sont situées sur des langues de terre et des promontoires qui avancent dans la mer ; de sorte qu’on ne peut en approcher par terre, quand la mer est haute, ce qui arrive de douze en douze heures. On ne le peut guère mieux par mer, parce que quand la marée se retire, les vaisseaux restent à sec, ce qui