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CHAPITRE XV.
Des ruses praticables sur mer, du combat naval, et des armes qu’on y emploie.

La guerre de mer a, comme celle de terre, ses ruses et ses manœuvres qui Mitent la victoire. Si vous apercevez donc qu’un ennemi fatigué ou peu habile, rame languissamment, qu’il vogue à vent contraire, qu’il ait le flux ou le reflux contre lui qu’il s’endorme dans une pleine sécurité, qu’il s’engage entre des îles propres à dresser des embûches par le peu de distance qu’il y a entre elles, qu’il s’ameute dans le fond d’un golfe ou d’une anse, en un mot, qu’il vous présente une occasion favorable de l’attaquer, saisissez-la, venez aux mains sur-le-champ et avec confiance. Si vous avez affaire à un ennemi qui sans donner de prise sur lui, cherche à vous combattre, disposez votre ordre de bataille, non en ligne droite comme sur terre, mais en demi-lune c’est-à-dire à pointes saillantes et à centre rentrant ; placez ces pointes, qui sont vos ailes, ce que vous avez de meilleur en troupes et en vaisseaux ; alors, si l’ennemi entreprend de vous enfoncer, voue disposition vous facilitera les moyens de l’envelopper et de le défaire. Tâchez de vous ménager aussi J’avantage de la position, en gagnant la haute mer sur l’ennemi et en le poussant sur le rivage. Si vous y pars venez, la crainte d’être jeté à terre et brisé affaiblira son courage. Les trois armes les plus propres à vous rendre supérieur dans un combat naval sont ce que nous appelons asseres, fulces, bipennes.

Asser est une espèce de chevron long, mince par les deux extrémités, et suspendu au mât avec la même liberté de jeu qu’en a l’antenne, de sorte qu’on en peut varier les directions de toutes parts. Ainsi, de quelque côté que vous ayez abordé l’ennemi, vous pouvez vous servir de ce chevron comme d’un bélier, parce qu’il renverse comme lui, et tue les soldats et les matelots, et qu’il perce même souvent le casque du vaisseau.

Ce qu’on appelle falx est un fer plat, combe à peu près comme la faux dont il porte le nom, et d’un tranchant très-aiguisé, cm manche d’un long bâton : il coupe d’un seul coup les cordages qui suspendent l’antenne au mât ; alors le vaisseau, qui, par la chute des voiles, a perdu la vitesse de son mouvement, este presque inutile.

Bipennis est un composé de deux espèces de haches larges, qui n’ont qu’une tête et qu’un manche, et dont les deux tranchans sont très-aiguisés ; il est d’un grand usage dans le fort de l’action ; car des matelots ou des soldats expérimentés se coulant sous la poupe du vaisseau ennemi dans de petites chaloupes, ils vont couper, avec cette espèce de hache, les cordes qui attachent le gouvernail ; après quoi le vaisseau, voguant au hasard, devient à l’instant la proie de l’ennemi : car il n’y a plus de ressource pour un vaisseau qui a perdu son gouvernail.

Je ne crois pas devoir parler de ces bâtimens légers d’observation, dont on se sert sur le Danube ; l’usage journalier qu’on en fait en donnera une idée plus juste que celle qu’on pourrait tirer les anciens auteurs.

FIN DU LIVRE CINQUIÉME.