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végèce, liv. iii.

ces animaux une grêle de javelots les renversaient morts ou blessés.

Mais l’arme la plus sûre était la fronde on la chargeait de pierres rondes, parce que le jet s’en dirigeait avec plus de justesse ; ces pierres lancées par une main adroite et vigoureuse blessaient les conducteurs des éléphans, et brisaient même les tours dont ces animaux étaient chargés. Pour se dérober à l’impétuosité de leur choc, les Romains imaginèrent encore de s’ouvrir vis-à-vis d’eux ; ainsi ces animaux arrivés au centre de l’intervalle s’y trouvaient serrés de tous côtés, accablés par le grand nombre, et souvent pris avec leurs conducteurs sans avoir été blessés. Enfin on plaçait quelquefois à la queue de l’armée des chariots attelés de deux chevaux ou de deux mulets, et chargés de ces balistes qui poussent les javelots ou les flèches très-roide et très-loin. Sitôt que les éléphans s’en étaient approchés à la portée du trait, les soldats, chargés de servir ces machines, les bandaient contre eux avec succès ; mais, comme on cherche à faire de larges et profondes blessures à ces animaux monstrueux, il n’y a point d’arme plus meurtrière pour eux que l’épée, dont les coups sont d’ailleurs plus certains.

Nous nous sommes un peu étendus sur cet article, afin qu’on sache, en cas de nécessité, quelles ruses et quelles armes il faut opposer à ces masses énormes.


CHAPITRE XXIV.

Du parti qu’il faut prendre, en cas qu’une partie, ou que la totalité de l’armée soit battue.

Si une partie de votre armée est victorieuse et que l’autre prenne la fuite, ne perdez pas pour cela l’espérance d’une victoire complète, votre fermeté peut vous la procurer. Dans ce partage, dont il y a tant d’exemples, les généraux qui n’ont point désespéré ont passé pour des génies supérieurs. On suppose avec raison un grand courage dans l’homme que les revers n’abattent pas.

En pareille occasion, faites parade des dépouilles, ralliez vos gens, figurez en vainqueur en ordonnant des sons et des cris qui annoncent la victoire.

Cette confiance apparente en inspirera une réelle à vos soldats et effraiera vos ennemis, parce que les uns et les autres vous croiront partout victorieux ; mais, quand la déroute serait générale, vous pouvez en éviter les suites funestes ; si vous suivez l’exemple des grands généraux, qui ne hasardèrent jamais de bataille sans s’être ménagé des ressources capables de réparer leurs fautes ou leurs malheurs, vous vous sauverez ainsi d’une entière défaite.

Si, par exemple, vous êtes à portée de quelque éminence, si vous avez quelque place forte sur vos derrières, si, malgré la déroute presque générale, il vous reste quelque troupe en état de tenir ferme, ce sont autant de ressources qui peuvent vous sauver. Il est souvent arrivé qu’une armée battue, en se ralliant et prenant courage, a vaincu ses vainqueurs pendant qu’ils s’abandonnaient pêle-mêle sur les fuyards ; car on ne court jamais tant de risques dans la victoire même que quand la présomption se tourne en crainte.

Enfin, quelque malheureux qu’ait été le combat, ne désespérez point de le rétablir, ralliez le plus de soldats que vous pourrez réchauffez les esprits, rallumez les courages par des exhortations vives, et, s’il se peut, par un nouveau combat ; si vous pouvez y parve-