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végèce, liv. iii.

rapporte que cet animal est utile dans les pays sablonneux où l’eau est rare parce qu’il supporte aisément la soif. D’ailleurs, il sait diriger ses pas d’un lieu à un autre, sans s’écarter, quelque confuses que soient les traces d’un chemin dans le sable où le vent les rompt à chaque instant. À cette propriété près, cet animal est assez inutile à la guerre.

L’avantage des cavaliers armés de toutes pièces est de n’avoir point à craindre les blessures ; mais l’embarras et le poids des armes donnent beaucoup de prise sur eux à des gens de pied ; car c’est contre ceux-ci, lorsqu’ils sont dispersés, plutôt que contre la cavalerie ordinaire, que cette cavalerie pesante est détachée ; mais on l’emploie plus utilement à enfoncer l’ennemi lorsqu’on en vient aux mains ; c’est en la postant à la tête des légions, ou en la mêlant avec les légionnaires mêmes.


CHAPITRE XXIII.

Des chariots armés de faux, et des éléphans.

Les chariots armés de faux, dont Antiochus et Mithridate se servirent les premiers, épouvantèrent d’abord les Romains, qui s’en moquèrent bientôt et avec raison. Il est rare, en effet, de trouver une plaine assez rase pour que ces chariots y puissent courir librement ; le moindre obstacle les arrête, outre qu’un seul cheval blessé ou abattu les rend absolument inutiles. Ce fut principalement l’industrie des Romains qui en fit abandonner l’usage ; sitôt qu’on en venait aux mains, ils semaient le champ de bataille de chausse-trapes, dont les pointes blessaient les chevaux et brisaient les roues. La chausse-trape est un solide, vide par des sections qui forment quatre rayons disposés de façon que, de quelque sens qu’on jette cette machine à terre, trois de ses rayons s’y enfoncent, et que le quatrième se présente en l’air perpendiculairement.

La masse énorme des éléphans, leur cri horrible, la singularité de leur figure effraient des hommes et des chevaux qui les voient pour la première fois. Pyrrhus fut le premier qui en opposa aux Romains en Lucanie. Dans la suite, Annibal en Afrique, Antiochus en Orient, Jugurtha en Numidie en eurent de grosses troupes. C’est ce qui fit imaginer différens moyens de les détruire ; quelquefois on leur coupait la trompe, à l’exemple du centurion qui le premier fit cet exploit en Lucanie ; quelquefois on attelait deux chevaux bardés à un chariot sur lequel on plaçait des soldats armés de longues piques en forme de lances, dont ils perçaient les éléphans ; les armes défensives dont ces soldats étaient couverts les paraient des flèches qu’on leur tirait de dessus ces animaux.

On les faisait souvent attaquer par des soldats dont toute l’armure, semée de pointes de fer, ne laissait aucune prise à la trompe ; mais on opposait le plus communément aux éléphans ces soldats appelés vélites. On sait que c’étaient des jeunes gens armés à la légère, très-agiles et très-adroits à lancer à cheval toutes sortes d’armes de trait. Comme ils portaient des piques dont le fer était très large et des javelots plus longs que les autres, ils furent d’abord les seuls qui, tombant sur les éléphans à course de cheval, osèrent les attaquer avec ces armes. Dans la suite plusieurs soldats, enhardis par le succès, se rassemblèrent par pelotons, et, lançant contre