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végèce, liv. iii.

néral sache les poster avantageusement, et les employer à propos.


CHAPITRE XX.

Qu’il faut faciliter une issue à l’ennemi enveloppé, pour le défaire plus facilement.

Les généraux médiocres comptent sur une victoire complète, lorsqu’à la faveur du grand nombre ou d’un défilé, ils tiennent leur ennemi enveloppé au point de ne lui laisser aucune retraite ; en quoi ils se trompent. Une troupe ainsi réduite au désespoir tire de son désespoir même des forces et de l’audace. Le soldat qui se voit certain d’une mort prochaine, cherche à ne point mourir seul ; aussi a-t-on toujours goûté cette maxime de Scipion : Ouvre une porte à l’ennemi qui fuit. En effet, dès qu’une troupe, ainsi enveloppée, aperçoit une issue, tous s’y jettent en foule, songeant beaucoup moins à combattre qu’à fuir, et se laissent égorger comme des brutes. Il est même d’autant plus aisé de tailler en pièces toute la troupe, qu’elle sera plus nombreuse ; parce que l’avantage du nombre deviendra un désavantage pour des gens épouvantés, qui craignent presque autant la vue de l’ennemi que ses armes. Une troupe enveloppée qui, au contraire n’aperçoit aucune issue, se porte assez communément à cet excès de valeur qui peut seul la sauver : alors elle est capable de renverser une troupe plus nombreuse et plus forte. Virgile a dit :

Le salut des vaincus est de n’en plus attendre.


CHAPITRE XXI.

Des moyens d’éviter le combat.

Après avoir traité de tout ce que l’art et l’expérience nous apprennent sur les combats, enseignons à tes éviter. C’est, disent nos savans militaires, la manœuvre la plus périlleuse qu’il y ait à la guerre. On ne peut se refuser au combat sans diminuer la confiance de ses troupes, ni sans augmenter celle de l’ennemi : cependant comme on se trouve souvent obligé de prendre ce parti, il est bon de savoir les moyens de le prendre avec sûreté faites que votre armée n’attribue pas votre retraite à la crainte d’en venir aux mains ; faites lui croire que vous vous retirez pour tendre des embûches à l’ennemi, en cas qu’il vous poursuive ; ou pour l’attirer dans une position plus propre à le défaire aisément : autrement le soldat qui sent que son général appréhende de se commettre est bientôt prêt à fuir. Prenez bien garde encore que l’ennemi ne pénètre votre dessein et ne tombe sur vous dans le moment de votre retraite. Pour éviter cet inconvénient, nos généraux ont souvent couvert leur front d’une cavalerie qui, en dérobant à l’ennemi la vue de l’infanterie, leur permettait d’en diriger là marche par les derrières, sans être aperçus : ils retiraient peu à peu de leur poste toutes les troupes séparément les unes après les autres ; et, les rangeant en ordre de marche, après la cavalerie, à mesure qu’elles se détachaient du corps de bataille, ils les réunissaient. Quelquefois, après avoir fait reconnaître, dès la veille, la route qu’ils voulaient suivre le lendemain, ils décampaient la nuit même, afin de gagner une marche sur un ennemi qui ne s’apercevant de ce mouvement qu’au jour, les aurait inutilement poursuivis, Ils détachaient, outre cela, une avant-garde de la cavalerie et de l’infanterie légère, pour occuper les hauteurs qui se trouvaient sur la route, et sous lesquelles l’armée pouvait se