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La scie est une troupe d’infanterie d’élite, rangée en droite ligne, en forme d’une vraie scie : on l’oppose à l’ennemi sur le front de la bataille, lorsqu’on veut donner le temps à quelque troupe rompue de se rallier derrière.

Les pelotons sont composés d’un certain nombre de soldats séparés de leur troupe ; ils se portent sur l’ennemi sans ordonnance déterminée. Si on vous en oppose, tâchez d’en rompre l’effort par d’autres pelotons plus braves ou plus nombreux ; mais dès que vous en, serez venu aux mains, gardez-vous de rien changer à votre ordonnance, ni de transporter une troupe d’un poste à l’autre, autrement vous verriez sur-le-champ naître un désordre, dont l’ennemi profiterait pour vous mettre en déroute.


CHAPITRE XIX.
Combien il y a de différens ordres de bataille, et comment, quoique inférieur en nombre et en forces, on peut espérer d’obtenir la victoire.

On compte sept ordres de bataille : le premier en carré long, présentant la plus grande face à l’ennemi, est presque le seul qu’on pratique aujourd’hui. Les habiles militaires ne le trouvent cependant pas le meilleur parce que l’armée occupe dans sa longueur un terrain fort étendu, et sujet par conséquent à des inégalités ; ce qui lui fait courir risque d’être aisément enfoncé. D’ailleurs, si l’ennemi vous est assez supérieur en nombre pour vous déborder à quelqu’une de vos ailes, il la prendra en flanc, et l’enveloppera, si vous n’avez l’attention d’y porter promptement quelques troupes de la réserve, qui soutiennent le premier choc. Cet ordre ne convient donc que lorsqu’à la tête d’une armée plus brave et plus nombreuse que celle de l’ennemi, on peut le prendre à ses deux flancs et en front en même temps, et pour ainsi dire, l’embrasser.

Le second ordre, un des meilleurs, est préférable au premier, en ce qu’il vous met en état de vaincre un ennemi supérieur en nombre et en courage, pourvu que vous ayez bien su poster le petit nombre de braves sur qui doit rouler la principale attaque. On appelle cet ordre oblique parce qu’il représente assez bien la branche d’un de ces nivaux dont se servent plusieurs artisans. En voici la disposition : dans l’instant que les armées s’ébranlent, éloignez votre gauche de la droite de l’ennemi, hors de la portée de toutes les armes de trait et de jet ; que votre droite composée de tout ce que vous avez de meilleur, tant en infanterie qu’en cavalerie, tombe sur la gauche ennemie, la joigne corps à corps, la pénètre ou l’enveloppe de façon à pouvoir la prendre en queue. Si vous parvenez à la chasser de son terrain, vous remporterez une victoire complète et certaine avec le reste de votre aile droite et de votre centre, qui tomberont en même temps sur l’ennemi ; tandis que votre gauche, tranquille et sans danger, tiendra la droite ennemie en échec. Supposé que l’ennemi eût eu recours le premier à cette savante disposition, vous pourriez soutenir votre gauche par un détachement considérable de la réserve, afin de balancer par la force les avantages de l’art.

Le troisième ordre est à peu près le même, puisqu’il consiste à faire par la gauche ce que, dans le second, on fait par la droite. Or, comme la gauche est ordinairement plus découverte, l’attaque en est toujours plus faible et plus périlleuse ; c’est ce que j’expliquerai dans la suite. Si cependant votre