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César.

pes, mais dans un ordre différent de celui dont les Belges avaient donné connaissance à ceux du Hainaut ; et comme l’ennemi n’était pas éloigné, il faisait, suivant sa coutume, marcher ensemble six légions : le bagage de toute l’armée les suivait ; puis les deux légions nouvellement levées fermaient la marche, et veillaient au bagage. Dans cette disposition, notre cavalerie avec les frondeurs et les gens de trait passent la rivière et attaquent la cavalerie ennemie. Tandis que tour-à-tour elle se retirait dans le bois et en revenait pour fondre sur les nôtres, sans qu’ils osassent la poursuivre au-delà de ce qui était découvert, les six légions arrivées les premières, ayant partagé le travail entre elles, se mirent à fortifier le camp. L’ennemi embusqué dans le bois où il était rangé en bataille, ayant aperçu la tête de notre bagage, ce qui était le signal auquel ils étaient convenus d’entrer en action, vint tout d’un coup fondre sur notre cavalerie, et l’ayant repoussée au-delà de la rivière, il la traversa avec une vitesse incroyable, de sorte qu’il semblait être en même temps dans les bois, au-delà de la rivière et sur nous. Il passe avec la même promptitude du pied de la colline dans notre camp, où il tombe sur ceux qui étaient occupés à le fortifier.

20. César se trouve alors avoir tout à faire en même temps : il lui fallait planter l’étendard qui était le signal du combat, faire sonner la charge, retirer les soldats du travail, rappeler ceux qui s’étaient écartés pour chercher du bois, ranger l’armée en bataille, l’encourager, donner le mot, toutes choses que la brièveté du temps ne permettait pas de faire, tandis qu’il avait l’ennemi actuellement sur les bras. Ces difficultés étaient aplanies par deux ressources, la science et l’expérience des soldats. En effet, exercés dans les combats précédens, ils n’étaient pas moins capables de se prescrire à eux-mêmes ce qu’il y avait à faire que de l’apprendre des autres ; et il avait défendu à ses lieutenans de quitter l’ouvrage et les légions avant que le camp fût retranché ; de sorte que, sans attendre ses ordres, chacun d’eux, pressé par le voisinage de l’ennemi, prit le parti qui lui parut le meilleur.

21. Après avoir pourvu au plus nécessaire, César courut encourager ses troupes, selon que le hasard les lui présentait. Étant arrivé à la dixième légion, il ne lui recommanda que de se souvenir de sa valeur ordinaire, et de soutenir courageusement l’attaque de l’ennemi sans s’étonner ; et comme il n’en était plus qu’à la portée du trait, il donna le signal du combat. De là il parcourut les autres rangs pour adresser la même exhortation aux troupes, qu’il trouva déjà engagées avec l’ennemi. Elles avaient eu si peu de temps pour se préparer, et l’ennemi était si animé au combat, que, non-seulement les officiers n’avaient pas eu le loisir de prendre leurs marques de distinction, mais même que les soldats n’avaient pu mettre leurs casques et découvrir leurs boucliers. Chacun combattit dans le lieu que le hasard lui offrit, et se rallia aux premières enseignes qu’il aperçut : on craignait de perdre son temps à chercher celles de sa légion.

22. Dans cette nécessité pressante, l’armée se rangea selon la disposition du terrain et de la pente de la montagne, plutôt que selon les règles de l’art militaire. Nos légions écartées les unes des autres combattaient, l’une dans un endroit, l’autre dans un autre, sans se voir, à cause des broussailles épaisses qui, comme je l’ai dit, les cachaient