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tent souvent pour en chercher, ils courront risque d’être souvent battus.


CHAPITRE IV.
De la conduite qu’il faut tenir pour éviter les séditions.

Souvent, dans une armée qui vient de s’assembler de différentes provinces, il s’élève des mouvemens de sédition ; et des troupes murmurent hautement, de ce qu’on ne les mène pas combattre, quoiqu’en effet elles n’en aient rien moins qu’envie ; ce qui arrive principalement à ceux qui dans leurs quartiers ont vécu dans l’oisiveté et dans la mollesse : car le travail qu’il faut soutenir dans le cours d’une campagne, et dont ils ont perdu l’habitude, les rebute et comme ils craignent nécessairement les combats, puisqu’ils craignent même l’exercice qui n’en est que l’image, ils ne le demandent que par une présomption mal soutenue. A ce mal, on applique plus d’un remède. Pendant que les corps sont chacun dans leurs quartiers, et séparés les uns des autres que les tribuns, leurs lieutenans et officiers tiennent leurs soldats dans une discipline sévère qu’ils ne respirent que le devoir et la soumission ; qu’on les fasse sans relâche manœuvrer sous les armes ; qu’on les passe souvent en revue ; qu’il ne leur soit accordé aucun congé, qu’au moindre signe à la moindre parole, ils soient toujours au commandement qu’on les exerce sans cesse et très-longtemps, jusqu’à la lassitude, à tirer des flèches, à lancer des javelots, à jeter des pierres à la main ou avec la fronde, à escrimer contre le pieu, à le frapper de pointe, et de taille avec l’épée de bois, à courir, à sauter, à franchir les fossés ; si leurs quartiers sont près de la mer ou d’une rivière, qu’on leur fasse apprendre à nager pendant t’été qu’on les mène souvent près des lieux escarpés ou fourrés ; qu’on leur fasse abattre des arbres, les dégrossir, creuser des fossés ; qu’on en mette une partie à défendre un poste contre leurs camarades, qui tacheront de les pousser boucliers contre bouchers afin d’apprendre aux uns et aux autres l’usage et la force de cette arme.

Des soldats et des cavaliers disciplinés et exercés de cette sorte dans leurs quartiers, prendront nécessairement de l’émulation pour la gloire. Quand on les rassemblera pour une expédition, ils ne demanderont qu’à combattre. En général, un soldat qui a de la confiance en ses armes et en ses forces, ne pense point à se mutiner mais enfin, s’il se trouve quelques séditieux dans les légions ou dans les auxiliaires, cavalerie ou infanterie, à commencer par les centurions, leurs lieutenans et les autres officiers c’est à un général attentif à les découvrir, non par les délations, mais par les voies non suspectes de la vérité ; et pour lors il les éloignera du camp, sous prétexte de quelque commission qui puisse leur faire plaisir, où il les enverra servir dans des villes ou des châteaux, mais avec tant d’adresse, qu’en se défaisant d’eux, il semble les y envoyer par préférence. Jamais la multitude ne se porte à la révolte par un accord : elle y est excitée par un petit nombre de mutins, qui fondent l’espérance de l’impunité de leur crime sur le nombre des complices qu’ils s’assurent. Supposé que cette révolte devint si générale qu’on ne pût la dissimuler, il n’en faut punir que les auteurs : c’était l’usage des anciens qui, par le supplice d’un petit nombre de coupables, contenaient tous ceux qui auraient