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CHAPITRE XII.
Il faut apprendre aux nouveaux soldats à frapper d’estoc et non de taille.

L’ancien usage des Romains était de frapper d’estoc. Ils se moquaient même d’un ennemi qui ne leur opposait que le tranchant de t’épée, tant sa défaite leur coùtait peu.

En effet, les coups tranchans, quelque vigoureux qu’ils soient, sont rarement mortels puisque les armes défensives et les os en préservent les parties les plus nécessaires à la vie.

La pointe, au contraire, pour peu qu’elle. entre de deux pouces, peut offenser des parties nobles, et par conséquent être mortelle.

D’ailleurs, on ne peut frapper de taille sans découvrir le bras et le côté droit au lieu qu’on reste tout-à-fait couvert en frappant d’estoc et qu’on blesse son ennemi, avant qu’il ait le temps de parer. Voilà pourquoi nos anciens préféraient l’estoc à la taille.

Afin d’y former le nouveau soldat, ils le chargeaient de ces espèces d’armes pesantes dont on vient de parler ; de sorte que passant aux armes d’usage, qu’il trouvait plus légères, il en sentait augmenter sa confiance et son ardeur.


CHAPITRE XIII.

Qu’il faut exercer les nouveaux soldats à lancer le javelot à jeter des pierres avec la fronde, à tirer des flèches et à lancer les flèches plombées.

Mais je reviens à mon sujet. Je dis qu’il faut exercer le nouveau soldat au pilier, avec des dards et des javelots plus pesans que ceux dont on se sert à la guerre. Lorsqu’il aura acquis de la facilité à les manier, un maître lui enseignera à les lancer avec un certain tour de bras, qui leur imprime un plus grand degré de force, et qui les dirige au pilier même, ou du moins très-près : exercice propre à augmenter l’adresse et la vigueur.

Il faut aussi faire tirer au pilier, le tiers ou le quart des nouveaux soldats, avec des arcs de bois et avec des fléches dont on, se sert dans les jeux. Cet exercice demande des maîtres habiles ; car il faut l’être pour former l’archer à bien manier son arc,. à lui donner toute la tension possible, à tenir la main gauche ferme et immobile, à conduire la droite avec méthode, à fixer également son œil et son attention sur l’objet qu’il a pour but ; en un mot, à tirer juste soit à pied, soit à cheval.

On ne peut répéter trop souvent, ni trop attentivement, cette espèce d’exercice, dont Caton démontre l’utilité dans son traité sur la discipline militaire. Ce ne fut qu’après avoir formé d’excellens archers, que Claudius vainquit un ennemi jusqu’alors son vainqueur.

Scipion l’Africain, prêt à livrer combat aux Numantins, qui avaient fait passer l’armée romaine sous le joug, n’imagina rien de plus propre à se rendre supérieur, que de mêler dans chaque centurie des archers d’élite.

Il est encore fort utile de former les nouveaux soldats à lancer des pierres, soit avec la fronde, soit avec la main. Nous devons, dit-on, l’invention et l’usage de la fronde aux premiers habitans des îles Baléares. Ils portaient si loin les précautions pour s’y perfectionner, que les mères ne donnaient, pour aliment aux enfans dès leur bas âge, que ce qu’ils avaient abattu à coups de fronde.

La pierre qui part d’une fronde, ainsi que toute autre machine, est plus meurtrière que quelque flèche que ce soit, contre un ennemi armé de toutes