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guerre d’espagne.
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les retranchemens. Dans l’action les ennemis perdirent cent vingt trois hommes ; un grand nombre d’autres furent dépouillés de leurs armes ; d’autres couverts de blessures et reportés au camp. Nous n’eûmes à regretter que trois des nôtres ; douze fantassins et cinq de nos cavaliers furent blessés. Le même jour, à la suite de cette affaire, il y eut suivant l’usage un assaut donné à la place. Après avoir lancé sur nous un amas considérable de traits et de feux auxquels nous répondîmes courageusement, les assiégés commirent le plus horrible et le plus cruel des attentats après avoir égorgé sous nos yeux leurs hôtes, ils jetèrent leurs corps du haut des remparts : trait de férocité inouï jusqu’alors et dont les nations Barbares pouvaient seules offrir des exemples.

16. Sur la fin du même jour, Pompée envoya secrètement donner ordre aux assiégés d’incendier pendant la nuit les tours et les retranchemens, et de faire une sortie vers minuit. En effet, après nous avoir accablés d’une grêle de traits et de feux, et avoir réduit en cendres une grande partie de la muraille, ils ouvrirent la porte qui conduisait au camp de Pompée, et sortirent tous en armes, portant des fascines pour combler nos fossés, et des crocs de fer pour abattre et brûler les tentes de paille dont s’étaient servis nos soldats afin de s’abriter contre le froid. Ils portèrent aussi avec eux de l’argent et des habits pour répandre l’un et l’autre, tomber sur nous, lorsque nous serions occupés au pillage, et se sauver ensuite au camp ennemi. Dans l’espoir qu’ils réussiraient, Pompée se tint pendant toute la nuit en bataille au-delà du fleuve de Guadajos. Bien que les nôtres eussent essuyé une attaque inattendue, cependant soutenus de leur courage, ils repoussent les ennemis, les contraignent de rentrer dans la ville en blessent plusieurs, s’emparent de leurs armes et des effets qu’ils avaient apportés, et font quelques prisonniers qu’ils massacrent le lendemain. Dans le même temps, un déserteur venant de la ville nous apprit que Junius, sorti d’une mine où il était, après le massacre des habitans, s’était écrié qu’on avait commis un crime affreux ; que ces infortunés ne méritaient nullement un traitement pareil, eux qui les avaient reçus dans leurs foyers et jusqu’au pied des autels ; qu’on avait violé le droit sacré de l’hospitalité à leur égard ; qu’il avait ajouté beaucoup d’autres reproches, et que les assassins effrayés de ses discours avaient cessé le massacre.

17. Le lendemain, Tullius et Caton, Portugais vinrent trouver César de la part de la garnison ; alors le premier prenant la parole : « Que n’a-t-il plu aux dieux immortels, lui dit-il, que j’eusse plutôt servi sous toi que sous Pompée, et qu’il m’eût été permis d’éprouver mon courage et ma constance en triomphant à ta suite au lieu de partager sa disgrâce ! puisque ses funestes louanges n’ont eu pour tout résultat que de contraindre de malheureux citoyens romains sans secours, à se rendre comme ennemis, après avoir été témoins de la ruine déplorable de leur patrie : puisque nous avons subi toutes les calamités de sa défaite sans avoir participé aux avantages de ses premiers succès, lassés d’être sans cesse en butte aux attaques de tes légions, de nous voir nuit et jour exposés au glaive et aux traits de tes soldats : soumis et vaincus par fa valeur, abandonnés de Pompée, nous avons recours à ta clémence. Cette grâce que tu as faite à tant de peuples, daigne l’accorder à des citoyens supplians. — Tel je me suis montré à l’égard des nations étrangères,