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et d’autre on s’efforce d’atteindre le pont, plus on s’approche, plus on se trouve resserré par les bords du fleuve ; des deux côtés on s’y précipite, on se donne à l’envi mille morts, et l’on ne voit plus que des monceaux de cadavres entassés les uns sur les autres. C’est ainsi que, durant plusieurs jours, César fit tous ses efforts pour attirer les ennemis au combat dans la plaine, afin de finir promptement la guerre.

6. Lorsqu’il vit qu’il ne pouvait les y contraindre, quoiqu’il n’eût mis obstacle à l’exécution de leurs desseins que pour les engager en rase campagne, il allume pendant la nuit de grands feux, passe la rivière avec ses troupes et marche sur Tébala-Véja, une des plus fortes places qui tenaient pour ses adversaires. Averti par quelques transfuges que César avait franchi le fleuve, Pompée retira le même jour plusieurs de ses chariots et de ses balistes, qu’il s’était vu forcé de laisser en chemin à cause de la difficulté et de l’embarras de la route, et entra dans Cordoue. De son côté, César se retranche devant Tébala-Véja, et commence à l’investir. Sur cette nouvelle, Pompée part le même jour pour aller la secourir. Mais César s’était d’abord assuré de tous les postes avantageux des environs, et y avait fait construire des forts, tant pour y mettre sa cavalerie que pour y placer des corps de garde de fantassins, afin de pourvoir à la sûreté du camp. Le matin qu’arriva Pompée, il y eut un brouillard si épais, qu’à la faveur des ténèbres, il trouva le moyen avec quelques cohortes et quelques escadrons d’envelopper la cavalerie de César, dont les ennemis firent un si grand carnage qu’il s’en échappa très-peu.

7. La nuit suivante Pompée incendie son camp, passe la rivière de Guadajos, et, traversant plusieurs vallons, vient camper sur une montagne entre les deux villes de Tébala-Véja et de Lucubi. Cependant César était dans ses lignes, où il avait fait préparer des mantelets, et tout ce qui est nécessaire à un siége. Ces pays élevés et montueux semblent faits pour la guerre. Le fleuve de Guadajos coule au milieu de la plaine, mais plus proche de Tébala-Véja, qui n’en est éloignée que d’environ deux milles. Vis-à-vis de cette place, Pompée était campé sur des hauteurs, et à la vue de l’une et de l’autre ville, il n’osa secourir les assiégés. Il avait cependant treize légions ; mais il ne comptait guère que sur les deux composées des troupes de la province, lesquelles avaient quitté Trébonius ; sur un autre tirée des colonies romaines établies dans le canton, et sur une quatrième qu’Afranius avait amenée d’Afrique avec lui : le reste consistait en déserteurs et en fugitifs. À l’égard de ses cavaliers et de son infanterie légère, celle de César était de beaucoup supérieure en nombre ainsi qu’en valeur.

8. Ce qui facilitait du reste à Pompée les moyens de prolonger la campagne, c’est que ce pays est fort montueux, et très-propre à établir des camps fortifiés : car presque toute cette province ultérieure de l’Espagne, par la raison même qu’elle est très-fertile et très-abondante en eau, présente peu d’accès faciles pour l’attaque. Ajoutez que, par suite des fréquentes incursions des Barbares, tous les lieux éloignés des villes sont munis de forts et de tours ; et on les y couvre comme en Afrique, de ciment et non de tuiles. Là se trouvent disposées des guérites, d’où, à cause de leur hauteur, la vue s’étend fort loin. La plupart des villes de cette province ont également été