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maison où l’on pût se retirer, et que rien n’échapperait à la fureur et aux atrocités qu’y commettaient ceux du parti contraire. Il avait tant d’impatience et d’empressement de voir arriver le secours qu’il demandait, que dès le lendemain du départ de ses lettres et de ses courriers pour la Sicile, il se plaignait du retardement de sa flotte et de son armée ; et que nuit et jour il avait les yeux et l’esprit tour nés vers la mer. Ce qui ne doit pas paraître surprenant puisqu’il voyait en sa présence brûler les villages, ravager les terres, détruire le bétail, ruiner et désoler les châteaux et les villes, mettre à mort ou charger de chaînes les principaux du pays, et emmener leurs enfans en servitude sous le nom d’ôtages, sans que le petit nombre de ses troupes lui permit de secourir tant de malheureux qui imploraient sa protection. Il s’occupait cependant à faire travailler ses soldats, à se bien retrancher, à élever des tours et des forts, et à pousser des digues jusqu’à la mer.

27. De son côté, Scipion usa de ce moyen pour dresser ses éléphans. Partageant son armée en deux corps, l’un composé de ses frondeurs était opposé aux éléphans, comme représentant l’ennemi, et il leur lançait de petites pierres ; l’autre se tenait rangé en bataille derrière ces animaux, afin que quand l’ennemi leur jetterait des pierres, et qu’ils voudraient tourner face pour s’enfuir, ses troupes les contraignissent toujours en les chargeant de pierres à retourner contre l’ennemi. Ce qu’ils n’exécutaient qu’avec peine et lenteur ; car ces animaux, même après plusieurs années d’instruction et de pratique, sont dans un combat également capables de nuire à l’ami et à l’ennemi.

28. Tandis que près de Mahadia ces événemens avaient lieu entre les généraux des deux armées, C. Virgilius Prétorius, commandant à Thaspe, ville maritime, ayant aperçu quelques-uns des vaisseaux qui portaient les troupes de notre chef, flotter au hasard, incertains de la position qu’il avait prise, pour profiter de la circonstance, remplit de soldats et d’archers un de ses vaisseaux de charge, y joint quelques chaloupes, et se met à poursuivre la flotte dispersée de César. Déjà il venait d’attaquer plusieurs navires, qui t’avaient repoussé et chassé ; cependant il ne cessait de les poursuivre, lorsque le sort lui’en ut rencontrer un où se trouvaient deux jeunes Espagnols nommés Titius, qui étaient tribuns de ta cinquième légion, et dont César avait fait le père sénateur. ils avaient avec eux T. Saliénus, centurion de la même légion, lequel, après avoir soulevé la garnison de Messine contre M. Messala, lieutenant de César, s’était rendu coupable envers lui des discours les plus séditieux : il avait même fait arrêter et garder l’or et les ornemens destinés au triomphe de notre général ; aussi craignait-il de tomber entre ses mains. Convaincu donc par sa propre conscience des châtimens qu’il méritait, il persuada aux deux jeunes gens de se rendre sans balancer au pouvoir de Virgilius. Celui-ci les envoie de suite à Scipion, qui les ayant livrés à ses satellites, les fit mourir trois jours après. On dit que l’aîné des Titius demanda aux centurions qui les conduisaient au supplice, d’être exécuté avant son frère : ils lui accordèrent tacitement cette grâce.

29. Cependant les cavaliers de garde, à la tête des deux camps, étaient tous les jours aux prises : il se donnait entre eux de légers combats ; et quelquefois aussi la cavalerie allemande et gauloise