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habitué à transporter de la copie peu méchante sur un canal ignoré des orages, il fit un navire de guerre destiné à la haute mer, un corsaire prêt à toutes les aventures. » Il conduisit ce fier navire à tous les combats pour la cause de l’Art, il le mena à toutes les victoires. Et le jour où il mourut, en 1889, il en confia la garde à ses lieutenants, à ses amis ; pendant près de dix ans encore la Jeune Belgique continua de paraître, dirigée par Albert Giraud, Henri Maubel, Iwan Gilkin, Valère Gille… C’est elle qui fit triompher la littérature en Belgique, qui lutta contre l’indifférence et l’inertie du public belge et qui prépara la victoire prochaine.

L’œuvre personnelle de Max Waller est forcément restreinte. Sa vie fut trop courte et elle fut toute remplie par la direction de sa chère revue. Il n’a pu donner la véritable mesure de son talent qui était délicat et d’un esprit très fin. Tour à tour critique, poète et conteur, il a laissé des pages qui sont d’une grâce achevée. Le poète et le conteur sont en lui ce qu’il y avait de meilleur. Ses vers, réunis en un petit volume : La Flûte à Siebel, sont pleins de grâce à la fois ironique et rêveuse, ils évoquent très vivement ces exquis poèmes de l’Intermezzo de Henri Heine à qui Waller poète s’apparente exactement.

On sourit éternellement
Et c’est au dedans que l’on pleure…

Il y a là une élégance discrète et pourtant impertinente, une observation pleine d’humour et de tact. Ces qualités apparaissent aussi, car elles sont celles de toute l’œuvre comme de la personnalité même de Waller,