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pression lascive, avec le feu luxurieux, qui brillent dans ceux de Mathilde ! Oh ! plus doux doit être un baiser dérobé à ses lèvres de rose que toutes les brutales faveurs dont l’autre est si prodigue. Mathilde me gorge de jouissances, jusqu’à m’en lasser ; elle m’impose ses caresses ; elle singe la courtisane et se glorifie de sa prostitution. Quel dégoût ! Si elle savait le charme inexprimable de la pudeur, comme il captive irrésistiblement le cœur de l’homme, comme il l’enchaîne au trône de la beauté, jamais elle ne l’aurait répudiée. Quel prix paierait trop cher l’affection de cette adorable fille ? Que ne donnerais-je pas pour être relevé de mes vœux, pour qu’il me fût permis de lui déclarer mon amour à la face de la terre et du ciel ! Tandis que je m’efforcerais d’obtenir sa tendresse, son amitié, son estime, comme les heures s’écouleraient tranquilles et sans trouble ! Dieu de bonté ! voir ses modestes yeux bleus luire sur les miens avec une timide bienveillance ! être assis près d’elle des jours, des années, à écouter cette douce voix ! acquérir le droit de l’obliger et d’entendre les candides expressions de sa reconnaissance ! épier les émotions de son cœur sans tache ! encourager chaque vertu naissante ! heureuse, prendre part à sa joie ; malheureuse, essuyer ses larmes de mes baisers, et la voir chercher dans mes bras consolation et appui ! oui, s’il y a un bonheur parlait sur la terre, il n’est réservé qu’à celui qui sera l’époux de cet ange. »

Tandis que son imagination forgeait ces idées, il marchait d’un air égaré dans sa cellule ; ses yeux regardaient sans voir ; sa tête était inclinée sur son épaule : une larme roula sur sa joue, à la pensée que cette vision de bonheur ne se réaliserait jamais pour lui.

« Elle est perdue pour moi ! » continua-t-il ; « je ne puis l’épouser ; et séduire tant d’innocence, profiter de