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quant à présent, je suis incapable de vous répondre. N’insistez pas, Mathilde, laissez-moi à moi-même, j’ai besoin d’être seul. »

« Je vous obéis ; mais, avant que je sorte, promettez-moi de ne pas insister pour que je quitte immédiatement le monastère. »

« Mathilde, songez à votre position ; songez aux conséquences de votre séjour ici : notre séparation est indispensable ; nous devons nous dire adieu. »

« Mais pas aujourd’hui, mon père ! Oh ! par pitié, pas aujourd’hui. »

« Vous me pressez trop vivement ; mais je ne puis résister à ce ton suppliant. Puisque vous insistez, je cède à votre prière, je consens à vous laisser un délai suffisant pour préparer un peu les frères à votre départ ; restez encore deux jours ; mais, le troisième — » (il soupira malgré lui) « souvenez-vous que, le troisième, il faudra nous quitter pour jamais ! »

Elle lui saisit vivement la main et la pressa contre ses lèvres.

« Le troisième, » s’écria-t-elle d’un air égaré et solennel ; « vous avez raison, mon père, vous avez raison ! le troisième, il faudra nous quitter pour jamais ! »

En prononçant ces paroles, elle avait dans les yeux une expression effrayante, qui pénétra d’horreur l’âme du moine. Elle lui baisa de nouveau la main, et sortit rapidement de la chambre.

Brûlant d’autoriser la présence de ce dangereux hôte, et sentant que la permettre c’était enfreindre les lois de son ordre, le sein d’Ambrosio devint le théâtre de mille passions en lutte. Enfin son attachement pour le faux Rosario, aidé par la chaleur naturelle de son tempérament, parut avoir bien des chances de remporter la