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destin : vois ! mon bras a perdu sa puissance ! vois ! mon glaive fidèle m’échappe !

« Les yeux qui m’ont vu partir ne me verront jamais rentrer dans mes foyers. Cousin, sèche ces larmes qui t’inondent, laisse-moi mourir sur ton sein.

« Quand ta main amie aura clos ma paupière, j’implore encore une faveur : Prie toi-même pour le repos de mon âme, lorsque mon cœur ne battra plus ;

« Afin que Jésus, toujours attentif et favorable au vœu d’un chrétien, daigne accueillir mon âme montant vers lui, et lui accorder une place dans le ciel. »

Ainsi parla le vaillant Durandarte ; bientôt son brave cœurse brisa en deux. Ce fut grande joie au camp des Maures, que le vaillant preux fût tué.

Avec des pleurs amers, Montésinos lui ôta son casque et son épée ; avec des pleurs amers, Montésinos creusa la tombe de son vaillant cousin.

Pour s’acquitter de sa promesse, il lui fendit la poitrine et en retira le cœur, afin que Bélerma, pauvre dame, reçût ce dernier legs.

Triste était le cœur de Montésinos, il sentait la douleur fendre sa poitrine. « Oh ! mon cousin Durandarte, malheur à moi d’assister à la fin !

« Courtois dans ses manières, intact dans son honneur, doux dans la paix, terrible dans la guerre, un guerrier plus noble, plus loyal, plus brave, ne verra jamais la lumière.

« Cousin ! vois, mes pleurs t’arrosent ; comment survivrai-je à ta perte ? Durandarte, celui qui te tua, pourquoi me laissa-t-il en vie ? »

Tandis qu’elle chantait, Ambrosio écoutait avec délices : jamais il n’avait ouï une voix plus harmonieuse ; et il s’étonnait que des sons si célestes pussent être produits par d’autres que par des anges. Mais tout en abandonnant son oreille à l’ivresse, un seul regard le convainquit qu’il ne devait point y exposer ses yeux. La chanteuse se tenait à une petite distance du lit ; son attitude, en se penchant