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nant un air de fermeté qu’il évita avec soin de mélanger d’aucune rigueur ; « écoutez-moi patiemment, et croyez que dans ce que je vais vous dire je suis plutôt guidé par votre intérêt que par le mien ; croyez que je ressens pour vous la plus tendre amitié, la plus sincère compassion, et que vous ne pouvez pas éprouver un chagrin plus vif que celui que j’ai à vous déclarer que nous ne devons plus nous revoir. »

« Ambrosio ! » cria-t-elle d’une voix qui exprimait à la fois la surprise et la douleur.

« Calmez-vous, mon ami ! mon Rosario ! laissez-moi vous appeler encore de ce nom qui m’est si cher. Notre séparation est inévitable ; je rougis d’avouer à quel point elle m’affecte, mais elle doit avoir lieu ; je me sens incapable de vous traiter avec indifférence, et cette conviction même m’oblige d’insister sur votre départ. Mathilde, vous ne devez pas rester ici plus longtemps. »

« Oh ! où chercher maintenant la bonne foi ? Dégoûtée d’un monde perfide, dans quelle heureuse région la vérité se cache-t-elle ? Mon père, j’espérais qu’elle résidait ici ; je croyais que votre sein était son sanctuaire favori ! et vous aussi, vous êtes perfide ! Ô Dieu ! et vous aussi, vous pouvez me trahir ! »

« Mathilde ! »

« Oui, mon père, oui ; mes reproches sont justes. Oh ! où sont vos promesses ? Mon noviciat n’est pas expiré, et pourtant vous voulez me forcer de quitter le couvent. Aurez-vous le cœur de me chasser et ne m’avez-vous pas juré solennellement le contraire ? »

« Je ne veux pas vous forcer de quitter le couvent ; je vous ai juré solennellement le contraire. Mais quand j’implore votre générosité, quand je vous montre les embarras où me jette votre présence, ne me délierez-vous pas