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vaient engagé à permettre que Mathilde demeurât. Le nuage qui avait obscurci son jugement venait de se dissiper ; il frémit quand il vit ses arguments dans leur vrai jour, et qu’il reconnut avoir été l’esclave de la flatterie, de la convoitise et de l’amour-propre. Si, dans une heure de conversation, Mathilde avait produit sur ses sentiments un changement si remarquable, que n’avait-il pas à craindre si elle restait au monastère ? Frappé du danger qu’il courait, et sorti du rêve de sa confiance, il résolut d’insister sur le départ immédiat de Mathilde. Il commençait à sentir qu’il n’était point à l’épreuve de la tentation, et que, lors même qu’elle saurait se maintenir dans les bornes de la chasteté, il était hors d’état de lutter contre les passions dont il s’était cru exempt.

« Agnès ! Agnès ! » s’écria-t-il en réfléchissant à tous ces embarras, « j’éprouve déjà l’effet de ta malédiction. »

Il quitta sa cellule, décidé à renvoyer le faux Rosario. Il parut à matines, mais ses pensées étaient absentes, et il n’y apporta que peu d’attention ; son cœur et sa tête étaient également remplis d’objets mondains, et il pria sans dévotion. Le service fini, il descendit au jardin ; il dirigea ses pas vers le même lieu où, le soir précédent, il avait fait cette découverte embarrassante ; il ne doutait pas que Mathilde ne l’y vînt retrouver. Il ne se trompait pas : elle entra bientôt dans l’ermitage, et aborda le moine d’un air timide. Après quelques minutes pendant lesquelles ils gardèrent tous deux le silence, elle parut vouloir parler ; mais le prieur, qui dans l’intervalle avait rassemblé toute sa résolution, se hâta de l’interrompre ; sans bien en connaître le degré d’influence, il craignait la mélodieuse séduction de cette voix.

« Asseyez-vous près de moi, Mathilde, » dit-il, pre-