Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Par degrés il se remit de son trouble ; ses idées se rallièrent un peu, et aussitôt il comprit l’extrême inconvenance de tolérer que Mathilde restât au couvent après cet aveu de son sexe. Il prit un air austère, et retira sa main.

« Comment, madame ! » dit-il, « pouvez-vous sérieusement espérer l’autorisation de rester parmi nous ! quand même je consentirais à cette demande, quel bien en retireriez-vous ? pensez-vous que je puisse jamais répondre à une affection qui — »

« Non, mon père, non ! je ne compte pas vous inspirer un amour comme le mien : je ne demande que la liberté d’être auprès de vous, de passer dans votre société quelques heures de la journée, d’obtenir votre compassion, votre amitié, votre estime. Certainement ma requête n’est pas déraisonnable. »

« Mais songez, madame, songez un seul instant, à l’inconvenance qu’il y aurait pour moi à receler une femme dans le couvent, et une femme qui avoue m’aimer ; et je ne veux pas m’exposer à une si dangereuse tentation. »

« Une tentation, dites-vous ? oubliez que je suis une femme, et la tentation n’existera plus ; ne voyez en moi qu’un ami, un infortuné dont le bonheur, dont la vie dépend de votre protection. Ne craignez pas que jamais je rappelle à votre souvenir que l’amour le plus impétueux, le plus excessif m’a poussée à déguiser mon sexe ; ne craignez pas qu’entraînée par des désirs contraires à vos vœux et à mon propre honneur, j’entreprenne de vous détourner de la voie de la rectitude. Non, Ambrosio ! Apprenez à me mieux connaître : je vous aime pour vos vertus ; perdez-les, et avec elles vous perdrez mon affec-