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Lorenzo ; mais avant qu’il n’eût le temps de l’y recevoir, un inconnu s’élança entre eux : sa taille était gigantesque, son teint basané, ses yeux féroces et terribles ; sa bouche souillait des masses de feu, et sur son front était écrit en caractères lisibles ; « Orgueil ! Luxure ! Inhumanité ! »

Antonia fit un cri ; le monstre la saisit dans ses bras, et sautant sur l’autel avec elle, la tortura de ses odieuses caresses. Elle s’efforçait en vain de se soustraire à ces embrassements. Lorenzo vola à son secours ; mais au moment où il allait l’atteindre, un grand coup de tonnerre se fit entendre. Aussitôt la cathédrale parut s’écrouler en débris ; les moines prirent la fuite, avec des cris d’effroi ; les lampes s’éteignirent, l’autel s’abîma, et à sa place parut un gouffre qui vomissait des torrents de flamme. Le monstre y plongea, avec un hurlement horrible, et dans sa chute il essaya d’entraîner Antonia. Ses efforts furent vains : animée d’une vigueur surnaturelle, elle se dégagea enfin de l’étreinte du monstre ; mais il lui avait arraché sa blanche robe. Aussitôt chacune de ses épaules déploya une aile resplendissante ; elle prit son essor, et tout en s’élevant, elle cria à Lorenzo ; « Ami ! nous nous reverrons là-haut ! »

Au même instant, la voûte de la cathédrale s’ouvrit, des voix harmonieuses montèrent aux cieux ; et la gloire où Antonia était reçue se composait de rayons si éblouissants, que Lorenzo ne put en soutenir l’éclat. Sa vue s’obscurcit, et il tomba par terre.

Quand il s’éveilla, il se trouva effectivement étendu sur le pavé de l’église : elle était éclairée, et le chant des hymnes s’entendait à distance. Lorenzo fut quelque temps à se persuader que ce qu’il venait de voir n’était qu’un rêve, tant l’impression en avait été forte sur son esprit ; un peu de réflexion le convainquit de son erreur ; les