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« Réellement ? Je vous rends les armes ! voilà un véritable argument d’amoureux, et je n’ose discuter plus longtemps avec un si profond casuiste. Si nous allions à la comédie ? »

« Cela m’est impossible. Je ne suis arrivé que d’hier au soir à Madrid, et je n’ai pas encore vu ma sœur. Vous savez que son couvent est dans cette rue, et je m’y rendais lorsque j’ai été détourné par la curiosité de savoir la cause de l’affluence qui se portait vers l’église. Je vais maintenant suivre ma première idée, et probablement je passerai la soirée avec ma sœur à la grille du parloir. »

« Votre sœur est dans un couvent, dites-vous ? Oh ! c’est vrai, je l’avais oublié. Et comment va doña Agnès ? Je m’étonne, don Lorenzo, que vous ayez pu penser à claquemurer dans un cloître une si charmante fille ! »

« Moi, don Christoval ? Pouvez-vous me soupçonner d’une telle barbarie ? Vous savez que c’est de son propre gré qu’elle a pris le voile, et que des circonstances particulières lui ont fait désirer de se retirer du monde. J’ai usé de tous les moyens qui étaient en mon pouvoir pour la détourner de cette résolution ; mes efforts ont été vains, et j’ai perdu une sœur ! »

« Vous ne vous en êtes pas trouvé plus mal : il me semble, Lorenzo, que vous avez dû considérablement gagner à cette perte ; si j’ai bonne mémoire, doña Agnès avait pour sa part dix mille piastres, dont la moitié a dû revenir à votre seigneurie. Par saint Iago ! je voudrais avoir cinquante sœurs dans la même catégorie. Je consentirais à les perdre toutes jusqu’à la dernière, sans un grand crève-cœur. »

« Comment, comte ? » dit Lorenzo irrité ; « vous me supposez assez bas pour avoir influencé la retraite de