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matines ; il attendit avec impatience que le service fût achevé, et enfin l’abbesse parut à la grille du parloir. Il demanda Agnès ; la vieille dame répondit d’un air triste que l’état de la chère enfant devenait d’heure en heure plus dangereux, que les médecins désespéraient de sa vie ; mais qu’ils avaient déclaré que la seule chance de salut était de la laisser en repos, et de ne pas permettre de l’approcher à ceux dont la présence devait l’agiter. Lorenzo ne crut pas un mot de tout cela, pas plus qu’il n’ajouta loi aux expressions de douleur et d’affection dont cette réponse était entrelardée. Pour en finir, il mit la bulle du pape aux mains de la supérieure, et insista pour que, malade ou en santé, sa sœur lui fût remise sans délai.

L’abbesse reçut le papier d’un air d’humilité ; mais son œil n’en eut pas plus tôt aperçu le contenu, que le ressentiment se joua de tous les efforts de l’hypocrisie. La rougeur lui monta au visage, et elle lança sur Lorenzo un regard de rage et de menace.

« Cet ordre est positif, » dit-elle, d’un ton de colère qu’elle essayait en vain de déguiser : « je voudrais de tout mon cœur y obéir, mais cela n’est plus en mon pouvoir. »

Lorenzo l’interrompit par une exclamation de surprise. « Je vous répète, señor, qu’il m’est tout à fait impossible d’obéir à cet ordre. Par égard pour les sentiments d’un frère, je voulais vous communiquer par degrés la triste nouvelle, et vous préparer à l’entendre avec courage ; ceci rompt toutes mes mesures. Cet ordre m’enjoint de vous rendre votre sœur Agnès sans délai : je suis donc obligée de vous informer, sans circonlocution, que vendredi dernier elle est morte. »

Lorenzo recula d’horreur et pâlit. Un moment de ré-