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et que mon père à sa mort m’a laissé peu de chose ; mais j’ai des espérances qui justifient ma prétention à obtenir la fille du comte de Las Cisternas. »

Il allait continuer ; Elvire l’interrompit.

« Ah ! don Lorenzo, ce titre pompeux vous fait perdre de vue la bassesse de mon origine. Vous oubliez que j’ai passé quatorze ans en Espagne, désavouée par la famille de mon mari, et vivant d’une pension à peine suffisante pour l’entretien et l’éducation de ma fille. Bien plus, j’ai même été négligée par la plupart de mes propres parents qui, par envie, affectent de mettre en doute la réalité de mon mariage. Ma pension ayant été discontinuée à la mort de mon beau-père, j’allais être réduite à l’indigence lorsque ma sœur apprit ma situation. Malgré ses faiblesses, elle possède un cœur chaud, généreux et affectionné : elle m’aida du peu de fortune que mon père lui avait laissée ; elle me persuada de venir à Madrid, et nous a soutenues ma fille et moi depuis notre départ de Murcie. Ne considérez donc pas Antonia comme descendue du comte de Las Cisternas ; considérez-la comme une pauvre orpheline sans protection, comme la petite-fille de l’artisan Torribio Dalfa, comme la pensionnaire nécessiteuse de la fille de cet artisan. Songez à la différence de cette position et de celle du neveu et héritier du puissant duc de Médina. Je crois vos intentions honorables ; mais comme il n’y a pas d’espoir que votre oncle approuve cette union, je prévois que les conséquences de votre attachement seraient funestes au repos de mon enfant. »

« Pardonnez-moi, señora ; vous êtes mal informée si vous supposez que le duc de Médina ressemble au commun des hommes. Ses sentiments sont généreux et désintéressés ; il m’aime, et je n’ai aucune raison de craindre