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damne celle qui entre dans une famille qui la repousse. Luttez donc contre votre affection ; quoi qu’il puisse vous en coûter, efforcez-vous de la vaincre. Votre cœur est tendre et impressionnable, je ne le vois que trop ; mais, une fois convaincue que vous ne devez pas y entretenir de tels sentiments, j’espère que vous aurez assez de courage pour les en chasser. »

Antonia lui baisa la main, et promit entière obéissance. Alors Elvire continua :

« Pour prévenir les progrès de votre passion, il sera utile d’empêcher les visites de Lorenzo. Le service qu’il m’a rendu ne me permet pas de les lui interdire formellement ; mais, à moins que je ne juge trop favorablement son caractère, il les discontinuera sans s’offenser si je lui confesse mes raisons et que je me fie entièrement à sa générosité. La première fois que je le verrai, je lui avouerai sans détours l’embarras que sa présence me cause. Qu’en dites-vous, mon enfant ? Cette mesure n’est-elle pas nécessaire ? »

Antonia souscrivit à tout sans hésitation, quoique non pas sans regret. Sa mère l’embrassa tendrement, et s’alla coucher. Antonia suivit son exemple, et fit si souvent le vœu de ne plus penser à Lorenzo que, tant que le sommeil ne ferma pas ses yeux, elle ne pensa à rien autre chose.

Tandis que ceci se passait chez Elvire, Lorenzo se hâtait de rejoindre le marquis. Tout était prêt pour le second enlèvement d’Agnès, et à minuit les deux amis étaient avec un carrosse à quatre chevaux près du jardin du couvent. Don Raymond tira sa clef, et ouvrit la porte. Ils entrèrent, et attendirent quelque temps dans l’espoir de l’arrivée d’Agnès. À la fin le marquis s’impatienta. Commençant à craindre que sa seconde tentative ne réus-