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sonne, et je doute que Madrid puisse fournir son égal. »

« Pourquoi donc n’avoir pas dit une parole à la louange de ce phénix de Madrid ? pourquoi me cacher que sa société vous avait fait tant de plaisir ? »

« Vraiment, je ne sais pas ; vous m’adressez une question que je ne puis résoudre moi-même. J’ai été mille fois sur le point de vous en parler ; son nom était constamment sur mes lèvres ; mais, quand je voulais le prononcer, je manquais de courage. Pourtant, si je n’ai pas parlé de lui, ce n’est pas que pour cela j’y aie moins pensé. »

« Je le crois. Mais vous dirai-je pourquoi vous avez manqué de courage ? C’est que, accoutumée à me confier vos plus secrètes pensées, vous ne saviez comment cacher et cependant vous n’osiez pas avouer que votre cœur nourrissait un sentiment qui ne pouvait pas avoir mon approbation. Venez ici, mon enfant. »

Antonia quitta sa broderie, se jeta à genoux près du sofa, et cacha sa tête dans le sein de sa mère.

« N’ayez pas pour, ma chère fille ! regardez-moi autant comme votre amie que comme votre mère, et n’appréhendez aucun reproche de moi. J’ai lu les émotions de votre cœur ; vous êtes encore peu habile à les dissimuler, et elles n’ont pu échapper à mon œil attentif. Ce Lorenzo est dangereux pour votre repos ; il a déjà fait impression sur vous. Il m’est facile d’apercevoir, il est vrai, que votre affection est payée de retour ; mais quelles peuvent être les conséquences de cet attachement ? Vous êtes pauvre et sans amis, mon Antonia ; Lorenzo est l’héritier du duc de Médina Céli. Quand ses intentions seraient honorables, son oncle ne consentira jamais à votre union, et, sans ce consentement, vous n’aurez pas le mien. Une triste expérience m’a appris à quels chagrins se con-