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sa tendresse pour elle, le baron avait déclaré positivement qu’il n’en ferait jamais sa femme.

« La nuit fatale arriva. Le baron dormait dans les bras de sa perfide maîtresse, quand l’horloge du château sonna « une heure. » Béatrix tira un poignard de dessous son oreiller, et le plongea dans le cœur de son amant. Le baron ne poussa qu’un gémissement effrayant, et expira. La meurtrière se hâta de quitter le lit, prit une lampe d’une main et de l’autre le sanglant poignard, et dirigea sa course vers la caverne. Le portier n’osa pas refuser d’ouvrir la porte à une personne qu’on redoutait plus au château que le seigneur même. Béatrix gagna sans obstacle le trou de Lindenberg, où, comme il l’avait promis, elle trouva Othon qui l’attendait. Il la reçut et écouta son récit avec transport ; mais avant qu’elle n’eût le temps de demander pourquoi il venait sans escorte, il la convainquit qu’il ne voulait aucun témoin de leur entrevue. Impatient de cacher la part qu’il avait dans le meurtre, et de se délivrer d’une femme dont le violent et atroce caractère le faisait trembler avec raison pour sa propre sûreté, il avait résolu de briser son coupable instrument. S’élançant tout à coup sur elle, il lui arracha le poignard de la main ; il le lui plongea au sein, encore tout fumant du sang de son frère, et lui ôta la vie à coups redoublés.

« Othon succéda à la baronnie de Lindenberg. Le meurtre ne fut attribué qu’à la nonne qui avait disparu, et personne ne le soupçonna d’avoir été l’instigateur de cette action. Mais si son crime ne fut pas puni des hommes la justice de Dieu ne le laissa point jouir en paix de ses honneurs tachés de sang. Les os de Béatrix étant restés sans sépulture dans la caverne, son âme errante continua d’habiter le château. Revêtue de ses habits religieux, en mémoire de ses vœux enfreints, armée du poignard qui avait