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sa nièce à prendre le voile. Craignant que l’offre d’un si avantageux établissement ne fît renoncer don Gaston à son dessein, elle supprima ma lettre, et continua de me représenter comme un aventurier pauvre et inconnu. Une vanité puérile m’avait poussé à cacher mon vrai nom, même à ma maîtresse ; je voulais être aimé pour moi-même, et non comme fils et héritier du marquis de Las Cisternas. La conséquence fut que mon rang resta ignoré de tous au château, excepté de la baronne, et qu’elle eut bien soin de garder le secret pour elle seule. Don Gaston ayant approuvé le projet de sa sœur, Agnès fut appelée à comparaître devant eux. On l’accusa d’avoir médité une évasion, on l’obligea de tout avouer, et elle fut étonnée de la douceur avec laquelle on reçut cet aveu ; mais quelle fut son affliction lorsqu’on lui annonça que c’était par ma faute que son plan avait échoué ! Cunégonde, stylée par la baronne, dit qu’en la relâchant je l’avais chargée d’informer sa maîtresse que notre liaison en resterait là, que toute l’affaire avait été occasionnée par un faux rapport, et qu’il ne me convenait en aucune manière, dans ma position, d’épouser une femme sans fortune ni espérances.

« Ma disparition subite ne donnait que trop de vraisemblance à cette version. Théodore, qui aurait pu la contredire, avait été tenu à l’écart par l’ordre de doña Rodolpha. Ce qui confirma bien plus encore l’idée que j’étais un imposteur, ce fut l’arrivée d’une lettre de vous, dans laquelle vous déclariez que vous ne connaissiez personne du nom d’Alphonso d’Alvarada. Ces preuves apparentes de ma perfidie, appuyées des insinuations artificieuses de sa tante, de la flatterie de Cunégonde, et des menaces et de la colère de son père, triomphèrent entièrement de la répugnance de votre sœur pour le cou-