Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute hâte chez moi ; l’hôtesse ne tarda pas à l’y suivre. Ils eurent quelque peine à me faire revenir de mon évanouissement, et ils envoyèrent aussitôt chercher le chirurgien, qui arriva en diligence. Il déclara que ma fièvre s’était beaucoup accrue, et que si je continuais à éprouver une si violente agitation, il n’oserait pas répondre de ma vie. Quelques remèdes qu’il me donna calmèrent un peu mes esprits. Je tombai dans une espèce d’assoupissement vers le point du jour, mais des rêves effrayants m’empêchèrent de retirer aucun bénéfice de mon repos. Agnès et la nonne sanglante se présentaient tour à tour à ma pensée, et s’unissaient pour me harasser et me tourmenter. Je m’éveillai sans être délassé ni rafraîchi. Ma fièvre paraissait plutôt avoir augmenté que diminué ; l’agitation de mon âme empêchait mes os fracturés de se reprendre. Je tombais fréquemment en faiblesse, et dans toute la journée le chirurgien ne crut pas devoir me quitter l’espace de deux heures.

« La singularité de mon aventure fit que je me déterminai à n’en parlera personne, ne pouvant espérer qu’une circonstance si étrange obtînt le moindre crédit. J’étais extrêmement inquiet d’Agnès. Je ne savais pas ce qu’elle avait pensé en ne me trouvant point au rendez-vous, et craignais qu’elle ne suspectât ma fidélité. Cependant je comptais sur l’exactitude de Théodore, et j’espérais que ma lettre à la baronne la convaincrait de la droiture de mes intentions. Ces considérations calmaient un peu mon anxiété ; mais l’impression laissée dans mon esprit par mon visiteur nocturne devenait plus forte de moment en moment. La nuit s’approchait : je redoutais son arrivée ; cependant je tâchais de me persuader que le fantôme n’apparaîtrait plus ; et, à tout événement, je demandai qu’un domestique restât dans ma chambre.