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cipités à terre. Aussitôt d’épais nuages obscurcirent le ciel ; les vents mugissaient autour de nous, les éclairs jaillissaient, et le tonnerre grondait à faire trembler. Jamais je n’ai vu orage si effrayant. Effarouchés de cette lutte acharnée des éléments, les chevaux semblaient à chaque instant redoubler de promptitude. Rien ne pouvait arrêter leur élan ; ils emportaient la voiture à travers haies et fossés ; ils l’entraînaient dans les plus dangereux précipices, et semblaient rivaliser d’impétuosité avec les vents.

« Ma compagne, cependant, restait sans mouvement dans mes bras. Vraiment alarmé de toute l’étendue du danger, je tachais en vain de la rappeler à elle, lorsqu’un horrible craquement m’annonça qu’ici notre course se terminait de la manière la plus désagréable. La voiture était en pièces. En tombant, ma tempe avait frappé contre un caillou. La douleur de la blessure, la violence du choc et mes craintes pour la sûreté d’Agnès s’unissant pour m’accabler, je perdis connaissance et restai comme mort sur la terre.

« Je dus demeurer assez longtemps dans cet état, car, lorsque j’ouvris les yeux, il faisait grand jour. Des paysans m’entouraient, et paraissaient discuter entre eux s’il était possible que j’en revinsse. Je parlais assez bien allemand : aussitôt que je pus articuler un son, je m’informai d’Agnès. Quelles furent ma surprise et ma douleur lorsque les paysans m’assurèrent qu’ils n’avaient vu personne qui ressemblât au signalement que je leur donnais. Ils me racontèrent que, se rendant à leur travail journalier, ils avaient été alarmés de voir les débris de ma voiture et d’entendre les gémissements d’un cheval, le seul des quatre qui restât vivant : les trois autres étaient étendus morts à mon côté. Je n’avais près de moi