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Chaque pas, chaque regard sera surveillé ; vos yeux me découvriront ma rivale : je la connaîtrai, et alors, tremblez, Alphonso, tremblez pour elle et pour vous ! »

« En prononçant ces derniers mots, sa fureur s’accrut à un tel degré, qu’elle en perdit la respiration. Elle palpita, gémit, et enfin tomba sans connaissance ; je la soutins dans mes bras et la plaçai sur un sofa. Puis, courant à la porte, j’appelai ses femmes, je la confiai à leurs soins, et je profitai de l’occasion pour m’échapper.

« Agité et confus au delà de toute expression, je dirigeai mes pas vers le jardin. La bienveillance avec laquelle la baronne m’avait d’abord écouté avait élevé mes espérances au plus haut point ; je m’étais imaginé qu’elle s’était aperçue de mon attachement pour sa nièce et qu’elle l’approuvait. Mon désappointement fut extrême, quand je compris le véritable sens de son discours. Je ne savais quel parti prendre ; la superstition des parents d’Agnès, aidée de la malheureuse passion de sa tante, semblait opposer à notre union des obstacles presque invincibles.

« Comme je passais près d’une salle basse, dont les fenêtres donnaient sur le jardin, je vis, par la porte qui était entr’ouverte, Agnès assise à une table : elle était occupée à dessiner, et plusieurs esquisses inachevées étaient éparses autour d’elle. J’entrai, sans avoir encore décidé si je l’instruirais de la déclaration de la baronne.

« Oh ! ce n’est que vous ? » dit-elle, en levant la tête : « vous n’êtes pas un étranger, et je continuerai mon occupation sans cérémonie. Prenez un siège et asseyez-vous à côté de moi. »

« J’obéis, et je me mis près de la table. Sans savoir ce que je faisais, et tout occupé de la scène qui venait de se passer, je pris quelques dessins et j’y jetai les yeux :