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« Dieu soit loué ! « dit-il : « elle leur a échappé ! »

« J’interrompis sa joie en lui montrant les brigands qui continuaient d’approcher. Je n’eus pas plus tôt parlé que la plus grande partie de la troupe, qui paraissait principalement composée de soldats, courut à leur rencontre. Les scélérats n’attendirent pas leur attaque. S’apercevant du danger, ils tournèrent bride et s’enfuirent dans le bois, où ils furent poursuivis par nos libérateurs. L’étranger, cependant, que je devinai être le baron Lindenberg, après m’avoir remercié du soin que j’avais pris de sa femme, nous proposa de retourner en toute hâte à la ville. La baronne, sur qui les effets du breuvage n’avaient pas cessé d’opérer, fut placée devant lui ; Marguerite et son fils remontèrent sur leurs chevaux : les domestiques du baron nous suivirent, et nous arrivâmes bientôt à l’auberge où il avait pris un appartement.

« C’était l’Aigle d’Autriche, où mon banquier, qu’avant de quitter Paris j’avais prévenu de mon intention de visiter Strasbourg, m’avait fait préparer un logement. Je me réjouis de cette circonstance. Elle me procura l’occasion de cultiver la connaissance du baron, que je prévis devoir m’être utile en Allemagne. Aussitôt arrivés, la baronne fut mise au lit. On fit venir un médecin qui ordonna une potion propre à détruire l’effet du narcotique, et après qu’elle l’eut prise, elle fut confiée aux soins de l’hôtesse. Le baron alors s’adressa à moi, et me pria de lui raconter les particularités de cette aventure. Je satisfis sur l’heure à sa demande ; car, en peine sur le sort de Stéphano, que j’avais été forcé d’abandonner à la cruauté des bandits, il m’eût été impossible de dormir avant d’avoir de ses nouvelles. J’appris trop tôt que mon fidèle domestique avait péri. Les soldats qui avaient poursuivi les brigands revinrent tandis que j’étais occupé à racon-