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m’en fut démontrée. Je quittai l’Espagne, sous le nom de don Alphonso d’Alvarada, et suivi d’un seul domestique d’une fidélité éprouvée. Paris fut mon premier séjour. Pendant quelque temps j’en fus enchanté, comme en effet doit l’être tout homme jeune, riche, et avide de plaisir. Cependant, toute sa gaieté me laissait un vide au cœur : je devins las de dissipation ; je m’aperçus que les gens au milieu desquels je vivais, et dont l’extérieur était si poli, si séduisant, étaient au fond frivoles, insensibles et peu sincères. Je laissai là les habitants de Paris avec dégoût, et quittai le théâtre du luxe sans un soupir de regret.

« Je tournai mes pas vers l’Allemagne ; mon intention était de visiter les principales cours. Avant cette excursion, je voulais m’arrêter quelque peu à Strasbourg. Comme je descendais de ma chaise, à Lunéville, pour prendre quelques rafraîchissements, je remarquai un brillant équipage, suivi de quatre domestiques vêtus d’une riche livrée, et qui était arrêté à la porte du Lion d’argent. Bientôt après, en regardant par la croisée, je vis une dame d’un extérieur plein de noblesse, et accompagnée de deux femmes de chambre, monter dans le carrosse, qui partit immédiatement.

« Je demandai à l’hôte quelle était cette dame.

« Une baronne allemande, monsieur, de haut rang et d’une grande fortune : elle vient de rendre visite à la duchesse de Longueville, à ce que m’ont dit ses gens. Elle va à Strasbourg, où elle trouvera son mari, et de là ils retourneront ensemble à leur château en Allemagne. »

« Je me remis en chemin, voulant arriver le soir même à Strasbourg. Mais ma chaise s’étant brisée, mon espoir fut trompé. L’accident m’était arrivé au milieu d’une épaisse forêt, et je n’étais pas peu embarrassé de trouver le moyen de continuer ma route. On était au cœur de