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lendemain matin, alors il insisterait pour qu’elle consultât le père Pablos.

Il ne se sentait pas disposé à dormir ; il ouvrit sa fenêtre, et contempla les rayons de la lune qui se jouaient sur la petite rivière dont l’eau baignait les murs du monastère. La fraîcheur de la brise nocturne, et la tranquillité de l’heure, remplirent son âme de tristesse ; il pensa à la beauté et à la tendresse de Mathilde, aux plaisirs qu’il aurait partagés avec elle, s’il n’avait pas été retenu dans les chaînes monastiques. Il réfléchit que, n’étant point alimenté par l’espoir, l’amour qu’elle avait pour lui ne pouvait pas longtemps subsister ; que sans doute elle parviendrait à éteindre sa passion, et chercherait le bonheur dans les bras d’un homme plus heureux. Il frémit en songeant au vide que cette perte lui laisserait au cœur ; il jeta un regard de dégoût sur la monotonie de sa vie de couvent, et se tourna avec un soupir vers ce monde dont il était séparé à tout jamais. Telles étaient les réflexions qu’interrompit un coup bruyant frappé à sa porte. La cloche de l’église venait de sonner deux heures. Inquiet de savoir ce qu’on lui voulait, le prieur se hâta d’ouvrir sa cellule, et un frère lai entra, le trouble et l’agitation dans les yeux.

« Hâtez-vous, révérend père ! » dit-il. « Venez chez le jeune Rosario ; il demande instamment à vous voir ; il est à l’article de la mort. »

« Juste Dieu ! où est le père Pablos ? Pourquoi n’est-il pas avec lui ? Oh ! je tremble, je tremble ! »

« Le père Pablos l’a vu, mais son art n’y peut rien. Il soupçonne le jeune homme d’être empoisonné. »

« Empoisonné ! Oh ! l’infortuné ! voilà ce que je redoutais ! mais ne perdons pas un moment ; peut-être est-il temps de le sauver encore. »