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CLXXV

si mince rimeur qui ne reçoive une couronne : poëtes et poétereaux, rimeurs et versificateurs de tout ordre sont également couronnés des feuilles de l’arbre que n’atteint point la foudre. Aussi l’auteur a-t-il raison de déclarer dans sa préface qu’on ne saurait se méprendre sur ses intentions : « El ánimo dirá su discurso : alabanzas son de todos. »

Rien de plus juste. Le Laurier d’Apollon, en dix chants (Silvas) est un panégyrique universel. Malheureusement, quand on s’impose l’obligation de louer tout le monde, on est forcé de n’exclure personne et d’ouvrir la porte toute grande à l’élite et à la cohue. Ainsi a fait naturellement Lope de Vega, et c’est dans cette absence de toute espèce de choix et de discernement, qu’il cherche avec naïveté une excuse, « porque me guiaba lo que se me ofrecia. » En d’autres termes, il prenait au hasard et ne se donnait même pas la peine de mettre un peu d’ordre dans cette foule bigarrée. Le poëme est sans plan, les épisodes très-impertinents (el Baño de Diana, el Narciso), y tiennent une place énorme, et la fin est une flatterie un peu grossière à Philippe IV, ce roi imbécile et bel esprit, qui ressemblait beaucoup à l’empereur Claude. Au moment où Apollon, pressé par tant d’aspirants à la couronne poétique, hésite à choisir un lauréat, Iris descend du ciel sur son rayon multicolore, et de la part de Jupiter, l’agile messagère annonce que le laurier sera remis à Philippe IV, et que ce