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CXVI

renforcer la prodigieuse unité de l’œuvre. Le concert est admirable, parce que l’auteur, soit qu’il raconte, soit qu’il représente les événements, reste toujours dans le ton et dans la mesure. Dans le récit comme dans le drame, il garde les proportions, et son imagination ne l’emporte jamais hors des limites du possible ou du vraisemblable. L’exécution est comme la conception ; et plus on étudie ce magnifique poëme, plus on s’étonne de la légèreté ou de l’ineptie de ces commentateurs qui prétendent, on ne sait sur quel fondement, que le Don Quichotte est une œuvre spontanée, irréfléchie, pour ainsi dire, échappée au génie de Cervantes, et dont ce rare esprit n’aurait pas eu conscience.

Voilà à quels jugements téméraires s’exposent les interprètes ridiculement exacts, qui dressent des cartes géographiques et imaginent tout un système de chronologie, afin que le lecteur puisse suivre sans erreur les pérégrinations du dernier des chevaliers errants. C’est cette manière de commenter pauvrement et sans intelligence le texte immortel de Cervantes qui a inspiré à un esprit ingénieux et paradoxal, je le crains un peu, l’idée d’élaborer un commentaire philosophique de tous les écrits du grand romancier.

Don Nicolas Diaz de Benjumea a donné en un petit volume, publié à Londres en 1861, les prémices de son commentaire, sous un titre qui prouve combien l’allégorie a d’attraits pour son esprit pénétrant. Selon nous,