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PRÉFACE.


toire définitive, offrent une étude aussi attachante qu’instructive. La première condition de ce charme efficace, c’est la sincérité. Sauf donc ce qui était évidemment supprimé par les strictes lois de la convenance, ce que je me suis surtout appliqué à laisser subsister, c’est la vérité.

La règle que j’ai suivie par rapport aux détails les plus intimes de cette correspondance, je l’ai également observée par rapport aux jugements politiques, portés au courant de la plume sur la plupart des événements et des hommes contemporains. On n’y trouvera jamais ni sévérité ni indulgence systématiques ; ce serait dans un livre ordinaire la chance à peu près certaine de mécontenter tout le monde. Je me flatte pourtant qu’il n’en arrivera pas ainsi, et que, en cela comme en bien d’autres choses, Mme Swetchine fera exception. Je ne dirai pas d’elle qu’elle n’appartenait aucun parti ; je ne croirais pas que ce fût un éloge, et d’ailleurs, éloge ou blâme, Mme Swetchine ne l’eût pas mérité. N’appartenir il aucun parti, c’est ne pouvoir parvenir à se former aucune conviction ferme et arrêtée sur les problèmes qui divisent et agitent une époque, c’est se récuser sur les plus hautes questions de la morale sociale ; c’est hésiter entre le bien et le mal, c’est s’avouer vaincu d’avance dans les combats qu’ils se livrent, ou se réfugier dans une égoïste neutralité.

Mme Swetchine avait trop l’habitude de réfléchit, pour ne point s’être formé des idées arrêtées sur les meilleures conditions du gouvernement des hommes. Cependant elle ne cherche à faire prévaloir exclusivement aucune opinion, aucun parti proprement dit ; elle indique ses préférences, elle ne cherche jamais à les imposer. Mais à mesure que les événements naissent sous ses yeux, elle les esquisse involontairement, au point de vue d’une conviction chrétienne aussi libérale que ferme.