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NIETZSCHÉENNE



I


Robert Clérieux sauta de l’auto et franchit la colonnade du Théâtre-Français, dans l’aigre humidité du soir de mars.

Naturellement ! Il s’y attendait. Plus personne. Sur le trottoir, un solitaire marchand de contremarques. Et, dedans, le vestibule désert. La pièce devait être commencée. Stupide retard ! Comment pénétrer dans cette loge sans gaucherie ? Et la présentation de dos à la jeune dame en question, parmi les « chuts ! » des voisins ! Quel ridicule ! S’il n’entrait pas ?…

Il s’arrêta sur l’escalier, hésitant. Après tout, cela ne vaudrait-il pas mieux ? Pourquoi cette nouvelle relation ? Et justement lorsque sa femme se trouvait dans le Midi, avec les enfants. Jocelyne Monestier connaissait assurément ce détail. Y aurait-il une intention de sa part ? Elle perdrait bien son temps !

Le jeune homme sourit, amusé par la déconvenue que s’infligerait toute femme qui tenterait sa conquête en ce moment. Ah ! il avait autre chose en tête ! Même sans la profonde tendresse qu’il gardait à sa petite Luce et ses principes arrêtés sur le devoir de fidélité conjugale, il ne serait jamais moins disposé à se lancer dans une aventure.

Son sourire s’effaça. Le poids de ses responsabilités s’alourdit. Soucieux, il continua de monter machinalement, parce qu’un monsieur et une dame galopaient derrière lui, le dépassaient. Pourtant, lorsque la haute glace du palier lui renvoya son image, il la parcourut