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moi l’image du Bon silence qui représente le Sauveur, non dans l’appareil du Dieu des armées, mais sous la forme d’un ange doux et tranquille, les ailes repliées, les bras croisés sur la poitrine. On m’enjoignit de faire chaque jour des prosternations devant cette image jusqu’à ce que l’esprit qui parlait en moi cessât de prophétiser ; puis on m’enferma avec l’icône dans l’izba, et j’y restai cloîtré jusqu’au printemps. Pendant toute la durée de ma réclusion, je ne cessai de prier le Bon silence, mais dès que j’apercevais quelqu’un, l’esprit se réveillait en moi et je parlais. En fin de compte, l’igoumène chargea un médecin d’examiner mon état mental.

Le docteur me fit une longue visite au cours de laquelle je lui racontai toute mon histoire comme vous venez de l’entendre. Lorsque j’eus terminé mon récit, il lança un jet de salive.

— Quel tambour tu es, mon ami ! observa-t-il ; — on t’a battu, battu sans pouvoir venir à bout de toi.