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l’avait fait Eugénie Séménovna. Celle-ci était une Russe, une chrétienne ; elle poussait l’amour jusqu’au sacrifice d’elle-même. Chez l’autre, au contraire, chez la sauvage fille du tabor, l’amour était une passion fougueuse, indomptable. Dans mon opinion, lorsque le prince lui avait annoncé son prochain mariage, elle avait dû éclater en injures et en menaces, aussi s’était-il défait d’elle.

Plus j’examinais cette idée, plus je me persuadais qu’il n’avait pu en être autrement, et le mariage du prince avec la fille du maréchal de la noblesse m’était devenu tellement odieux que je n’avais pas la force d’en contempler les préparatifs. Quand arriva le jour de la noce, on distribua des mouchoirs de couleur à tous les domestiques et on renouvela la livrée de chacun d’eux. Mais, au lieu de revêtir mes effets neufs, je les laissai dans la soupente que j’occupais à l’écurie et, dès le matin, je me rendis dans le bois où j’errai machinalement jusqu’au soir. À chaque instant je me demandais si je n’allais pas rencontrer quelque part