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il entreprit ensuite le récit de sa vie passée : à l’en croire, il avait autrefois roulé carrosse ; un jour il avait forcé tous les pékins à évacuer un jardin public ; il lui était arrivé aussi de se présenter nu chez la femme du gouverneur…

— Maintenant, ajouta-t-il, — je suis maudit en punition de mes égarements, et toute ma nature est pétrifiée, en sorte que je dois continuellement l’humecter. Qu’on me donne donc de la vodka ! Je n’ai pas d’argent pour la payer, mais je la consommerai, verre compris.

Quelqu’un, alléché par le spectacle que promettaient ces derniers mots, lui fit servir de l’eau-de-vie. L’étrange personnage commença par la boire, puis, tenant religieusement sa parole, il se mit à broyer le verre entre ses dents et l’avala au milieu des rires du public. Moi, ce que j’éprouvais, c’était un sentiment de pitié à la vue de ce gentilhomme qui risquait ainsi sa vie afin de satisfaire sa passion pour les liqueurs fortes. « Après un pareil