Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et ne manquerait pas de le dénicher. À la fin, je pris le parti de garder l’argent sur moi : « Non, en voilà assez, me dis-je, sans doute il est écrit que je ne boirai pas aujourd’hui. » Tout à coup me vint une pieuse inspiration : « Cette passion qui me tourmente, c’est l’œuvre du diable ; avec le secours de la religion, j’écarterai de moi le coquin. » Cette pensée me conduisit à la messe où je priai de tout mon cœur. En sortant de l’église, je remarquai sur un mur la peinture du Jugement Dernier ; on y voyait dans un coin la géhenne et le diable que des anges battaient avec des chaînes. Je m’arrêtai pour contempler cette fresque, je priai avec ferveur les saints anges ; quant au diable, je lui montrai le poing et lui fis la nique en l’apostrophant avec mépris.

Aussitôt le calme rentra dans mon âme ; je revins à la maison et, après avoir expédié les affaires courantes, j’allai prendre du thé dans un traktir. Je trouvai là, entre autres consommateurs, une sorte d’aigrefin qui était bien