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DE M. DES ROCHES.

De la belle Amaranthe, il n’en eſt point de telle.

Pense.

Ie ne m’estonne point ſi vous ſoufrez pour elle.
Mais comment eſtes vous ſi long tans ſans la voir ?

Viol.

Cete abſence ma fait pluſieurs biens receuoir,
Premierement ie rends preuve de ma constance,
Ie nourris mon deſir d’une douce esperance,
I’ẽtretiens ma Maiſtreſſe auec maintz beaux diſcours,
Et n’oſe la voyant parler de mes Amours.
Ie crains estant preſent que mon Ame rauie
Pour loger dans ſes yeux deſrobe außi ma vie :
Loing ie ſuis aſſuré, la guerre de mes ſens
N’eſt pas ſi forte en moy, que le bien que ie ſens.

Pense.

Pourquoy cherchez vous donc l’obiet d’vn tel martire ?

Viol.

Mon œil craĩt de la voir, mais mon cueur la deſire

Pense.

Vous n’auez plus de cueur, il est dedans ſon ſein.

Viol.

Le cors ſi loing du cueur ne peut pas eſtre ſain :
Comme le Gouuerneur qui commande vne ville
Voiant que l’on eſmeut une guerre ciuille
Se monstre vigilant à reprimer l’effort
De cetuy-la qui veut paroistre le plus fort :