Page:Les Tableaux vivants, 1997.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76

bien que j’avais affaire à une très grande dame : je me crus dans la tour de Nesle.

« Je suis la princesse de Schleiz-Sondershausen-Loerrach, me dit-elle. J’ai le titre d’altesse sérénissime. Le prince, mon mari, envoie chaque année un quart de député à la Diète, et trois soldats pour son contingent à la grande armée fédérale. Nous avons en tout trente-un mille sujets. Notre armée particulière se compose de dix hommes superbes, plus un général, deux colonels, quatre capitaines et huit lieutenants. Quand je la passe en revue, je crois faire un rêve ; car enfin me voilà princesse, et il n’en est pas moins vrai que je suis venue au monde dans une étable et que j’ai perdu mon pucelage des œuvres de Jean-Pierre, sous un coudrier.

Ce sont de singulières aventures que les miennes. Je vous les conterai quelque jour. Je crois qu’il est bon de vous en présenter d’abord l’héroïne. »

— Bon ! dis-je, Votre Altesse oublie que je la connais déjà quelque peu.

— Parce que vous m’avez baisée ! dit-elle. Oh ! cela ne suffit point. Vous me connaîtrez tout entière, je n’y mettrai point de façons. De la tête aux pieds, me voici !

En même temps elle laissait tomber son peignoir et se montrait nue devant mes yeux.

— Vous le voyez, reprit-elle, je suis plutôt grande que petite. Bien qu’habillée je paraisse fort mince, j’ai toujours eu l’embonpoint qu’il faut, et je n’en souhaite pas davantage. Ma taille est fine sans doute, mais bien garnie ; ma gorge est pleine ; elle plaît aux gourmets : les gourmands même y trouvent leur compte. Je peux bien dire que j’ai la chair la plus friande du monde. Joignez à cela cette peau parfaitement blanche et douce et si froide,