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à More. Qui jamais eût osé lever sur la comtesse Laurence un regard d’envie ? Elle était bien connue pour adorer le comte son mari et mépriser le reste des hommes.

Cependant les connaisseurs disaient : Le tout avec cette jeune Baucis serait de bien choisir son moment. C’est ce que je pensais tout le premier.

Un jour d’été il m’arriva d’aller rendre visite à Laurence. Elle était seule dans un petit salon qui s’ouvrait sur le jardin. Je la vis de loin à demi couchée sur un sofa. Elle se souleva péniblement quand on m’introduisit :

— C’est vous ? me dit-elle… Ah ! vous arrivez à point pour fermer les jalousies. Ce soleil me brûle.

Je fermai les jalousies et revins m’asseoir auprès de Laurence.

— Et Robert ? lui demandai-je.

Robert, c’était le comte, c’était son mari.

Elle eut un petit tressaillement de tout le corps et ferma les yeux.

— Robert est absent, dit-elle. Ne le saviez-vous pas ?

Je le savais bien, et c’est ce qui m’amenait. Vous les connaissez, ces vertus solides, ces épouses modèles pour qui les caresses de l’époux sont le pain quotidien. Terribles affamées quand monsieur est en voyage !

Les jouissances impromptues sont les meilleures. Le coup en robe est délicieux parce qu’il se consomme au moment juste où l’on a envie. Le désir est dans toute sa force, l’action est prompte comme la foudre. « Mon ami, nous n’avons qu’un moment… » La phrase s’achève dans un baiser. La belle vous jette les bras autour du cou, vous la renversez sur un sofa, vous la troussez et…