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vint de nous informer auprès des voisins, le plus adroitement possible, de la qualité des deux veuves. Le mal, c’est que nous ne les avions point vues. Si elles allaient être trop laides ! Si elles avaient plus de quarante ans !

Un louis mis dans la main d’un garçon épicier fit l’affaire. Le drôle nous apprit en souriant que les deux dames étaient de fort honnêtes personnes, veuves l’une d’un officier, l’autre d’un receveur des contributions, peu fortunées toutes deux, mais vertueuses, irréprochables et très avenantes. L’aînée n’avait guère plus de trente ans.

— Seulement, nous dit le garçon peseur de sucre, elle est un peu… boiteuse.

— As-tu entendu ? dis-je tout bas à Calprenède. L’une est boiteuse !… Nous les reconnaîtrons à présent !

La boutique où nous étions entrés se trouvait justement en face de l’église. L’office du soir finissait.

— Regarde ! me dit Calprenède. Voici nos amantes !

Un autre louis d’or détermina le garçon épicier à nous servir de messager et à se montrer discret comme la tombe. Nous lui remîmes le paquet, qui, outre la pièce de résistance, contenait un billet. Quant à nous, nous jouons des jambes, nous rentrons à notre logis, nous franchissons et raccommodons notre pont, nous pénétrons dans le cabinet, nous nous couchons à plat ventre derrière le linge sale. Les deux sœurs arrivaient.

— Qu’est-ce qu’il peut y avoir dans ce paquet, Nanine ?

— Je ne sais, ma sœur.

Et Nanine traversa le cabinet pour aller en fermer la fenêtre et les persiennes.

Nous étions immobiles, sans haleine… Julie défaisait le paquet. Elle poussa un grand cri. Nanine accourut.

— Un membre !…