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III

UN MARI D’AFRIQUE

Je vis madame de Rochemure pour la première fois dans une maison tierce. Cette expression de « maison tierce » veut dire un lieu où l’on ne peut rien faire de toutes les choses qui se font sans témoin, et ces choses ordinairement sont les plus délectables. Mes yeux considérèrent tout de suite madame de Rochemure comme une aimable friandise et dévorèrent ses épaules nues sous une guimpe de dentelles.

Bonnes épaules, grasses et satinées. Je me disais : ces chairs appétissantes sont-elles des chairs fermes ? Peut-être que non. Mais elles avaient un air très vif de jeunesse.

Bien qu’elle eût trente ans environ, madame de Rochemure avait quelque chose d’enfantin dans le visage, un petit nez rond à l’air innocent et des joues savoureuses, des cheveux châtains, la bouche humide. Elle était grande et