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pain. Leur gueule est assez large pour engloutir un homme. Ils sont si affreux et si féroces qu’il n’existe pas d’homme ou d’animal qui ne les redoute.

Voici comment on les capture. Le jour, ils restent sous terre à cause de la grande chaleur. La nuit, ils sortent pour se nourrir et dévorent toutes les bêtes qu’ils peuvent atteindre. Ils vont boire aux rivières, aux ruisseaux et aux lacs. Leur poids est tel que leur queue trace dans le sable un sillon profond comme si on avait traîné un tonneau plein. Les chasseurs, qui savent que les serpents suivront au retour le même chemin, disposent leur piège sur cette piste. Ils fichent très profondément en terre un pieu, et y adaptent un fer tranchant comme un rasoir. Puis ils recouvrent le tout de terre pour en cacher la vue aux serpents. Ils placent plusieurs de ces engins sur les voies des serpents. Quand ceux-ci passent, le fer leur entre par le ventre et les fend jusqu’au nombril. Ils meurent sur le champ. Les chasseurs leur ôtent le fiel des entrailles et le vendent très cher. C’est un remède merveilleux. Si on en fait avaler gros comme le poids d’un petit denier à un homme mordu par un chien enragé, il est aussitôt guéri. Si quelqu’un a la gale ou un furoncle, il suffit pour le guérir de mettre sur le mal un peu de ce fiel. On vend aussi la chair, car les gens du pays la mangent volontiers. Quand ces serpents ont grand faim, ils vont quelquefois au gîte des lions, des ours, et d’autres bêtes puissantes. Là, ils dévorent les petits sans que les parents puissent les défendre. Ils dévorent aussi les hommes qu’ils attrapent.