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répondirent aussitôt à celles du grand Khan et toutes deux sonnèrent à grand bruit l’attaque. Tous coururent aux arcs, aux massues, aux lances, aux épées, aux arbalètes dont sont armés les fantassins : l’adresse des combattants était merveilleuse. Les flèches volaient de part et d’autre, si nombreuses que l’air en était obscurci comme par une pluie épaisse. Les hommes d’armes étaient précipités de leurs chevaux et tombaient morts ; tout le sol en était couvert. Parmi les cadavres et les blessés, les clameurs étaient telles de part et d’autre qu’on n’eût pas ouï Dieu tonner. La bataille fut très acharnée et très sanglante, et chacun cherchait à tuer par tous moyens.

Que vous dirai-je ? Sachez que de toutes les batailles livrées en notre temps, ce fut la plus terrible et la plus disputée et la plus âpre. Jamais on ne vit en un même lieu tant d’hommes d’armes rassemblés pour se battre, surtout tant de cavaliers, car il y en avait bien 760 000 sans compter les fantassins qui étaient très nombreux aussi. La mêlée dura depuis le matin jusqu’au milieu du jour. Mais enfin, il plut à Dieu et au bon droit que le grand Khan eût la victoire et que Nayan perdît la bataille et fût mis en déconfiture. Quand ses soldats virent les exploits qu’accomplissaient leurs ennemis, ils perdirent courage et s’enfuirent. Nayan fut pris et tous les officiers qui l’entouraient se rendirent au grand Khan avec leurs armes. Sachez que Nayan était chrétien baptisé et portait sur ses enseignes la croix : mais cela ne lui servit à rien, parce qu’il n’avait pas le droit de se révolter contre son seigneur.